Du euh au eh, une histoire d'accent?
Ou comment la réformette fait que ce qui était tend à se reformer immanquablement? Le récent affichage à propos de la carte scolaire donne dans les faits, des dérogations gérées par les inspecteurs, pour une suite restrictive de raisons rationnellement justifiables, à l'exception d'une liberté de choix qui n'aurait à se targuer de quelque autre justificatif qu'elle-même. Ainsi, l'on confie au corps des inspecteurs la responsabilité de jauger des motifs. Il va falloir encore une fois demander à papa le droit de changer d'air. Nonobstant des étapes ultérieures, dont l'on dit déjà qu'elles prendront quatre ans environ, et qui méneraient à la liberté complète de choix que les libéraux préconisent comme l'une des composantes d'une réforme de l'école, constatons que ce premier pas, s'il veut s'afficher dans les fameux 100 jours, a pour le moins l'air bien timide. Il faudra ici avoir des raisons, et les partager avec un inspecteur, c'est à dire une fois de plus attester, montrer patte blanche à l'Etat souverain jusqu'en nos vies intimes. Nous ne voulons préjuger d'un changement, mais confier aux hommes du sérail le soin de le modifier, cela a déjà été tant essayé, qu'il faut permettre aux prudents sceptiques la petite expression de leurs craintes…
Ecole libérée, mode d'emploi ?
Notre glorieuse nation ne peut ignorer plus longtemps, ces ingrédients qui ont si bien réussi à tant de nos voisins. Un premier article suffit, abroger la carte scolaire ou plus précisément dit en volapuk administratif, supprimer la sectorisation. Sûr, ça va faire une sacré pagaille ce coup de vent, et beaucoup dans la vieille institution s'inquiètent ainsi de ne pouvoir contrôler ce qu'ils ne contrôlaient du reste qu'en de savantes statistiques lesquelles n'ont rien à envier à l'ancien gossplan de nos cousins russes.
Un second, concommitant, s'impose, le financement par capita de la scolarité de l'élève, ou autrement dit le financement suit l'élève, un systéme de chèques éducation ou de bons scolaires étant mis en place (cela peut aller très vite, il suffit d'y mettre les moyens et les bonnes compétences, consultez, consultez et accompagnez l'essor d'une valeureuse petite entreprise: SeiMCD-formation, mail to: ptraverse@club-internet.fr).
A quelque niveau que cela soit, et l'on pourrait même financer en partie l'accès aux premiers cycles universitaires ainsi, chaque famille attribue ce chèque à l'école de son choix, celle-ci, publique ou privée, devant juste être agréée, ce selon une procédure non discriminante des nouveaux entrants (la liberté de créer une école hors agrément est renforcée et simplifiée par ailleurs. Avec volet financier). Le montant nominal trimestriel, de ce chèque ou bon, fait l'objet d'une proposition annuelle en loi de finances, suite à une évaluation annuelle par l'intermédiaire de cabinets d'audit privés. Ca c'est pour les aspects, liberté de choix des familles et non-discrimination des familles: que les chagrins se disent que les familles des lointaines cités y gagneront sans nul doute. La somme allouée par élève, charges salariales comprises, différe pour l'heure de 30% entre un bahut de centre ville parisien et un bahut en zone zep, mais nos experts es-comptes, on le sait, excellent dans la manipulation inventive des comptes.
Troisième ingrédient de ce détonnant coktail, la fameuse autonomie. Là non plus, pas de distillation préventive façon peanuts, 15% du budget de fontionnement hors charges salariales: les bonnes ratatouilles ne se trouvent guère dans les boites, il faut du local, et nulle responsabilité ne surnage encore à l'épreuve du labyrinthe, ou même le meilleur finit par s'épuiser. En clair, cela délimité par une loi cadre comprenant abrogation de ce qui doit l'être, et il y aura pléthore, (notamment quant au code de l'éducation, relique invraisemblable qu'on exposera dans l'un de nos nombreux musées, relique sans doute née de l'ajout "et du citoyen", ver dans le fruit qui ruina tant la première déclaration des droits de l'homme), en clair, chaque établissement agréé selon une procédure simplifiée, se voit reconnaître la pleine autonomie de son budget tant d'investissement que de fonctionnement, ce dans les limites larges fixées par la loi et moyennant l'obligation de présenter ses élèves aux deux ou trois évaluations nationales, maxi. Il faudra veiller à confier la détermination des items de ces évaluations à un collège ouvert et pluraliste de la haute autorité de l'éducation. Hormis l'obligation dûment vérifiée par un corps d'inspection renouvelé, de se conformer aux règles et lois de la République, et l'obligation de respecter un quota minimal dans les principales disciplines, l'autonomie de gestion pédagogique doit être également pleinement reconnue à ces établissements, libres ainsi dans ce cadre, d'embaucher et de débaucher (une liste d'aptitude est ouverte… j'aborderai ce point ailleurs), d'élaborer avec leurs partenaires leur projet d'établissement, et d'organiser les enseignements et activités selon celui-ci. Bien évidemment le recours à des prestataires extérieurs associés, devient possible si ce n'est, nous le pensons, largement souhaitable sur tous les plans.
Rejoindre enfin la troisième révolution, celle de la connaissance
Il est louable de s'engager dans la bonne direction, mais il y faut l'impulse et l'ampleur nécessaire. L'horizon, ce sont des écoles de tous ordres et de tous niveaux, libérées d'une tutelle aussi étouffante que contreproductive. L'horizon, c'est un libre marché de l'éducation, seul à même de promouvoir, du fait de la liberté recouvrée des consommateurs et de leurs arbitrages, seul à même de générer les bonnes pratiques tant d'organisation, de gestion, ou encore disciplinaires. L'Etat n'a pas vocation à déterminer ce qui doit être su et appris, et comment. Ce que nous avons justement refusé au pouvoir religieux, nous n'avions à l'accorder au pouvoir séculier. Voulant s'occuper directement de l'école, et bien au delà entendant contrôler tout ce qui de près ou de loin a trait à la formation, l'Etat abuse de la souveraineté qui lui est confié. Demandons-lui juste d'établir et faire respecter quelques règles larges et régulièrement évaluées, et faisons enfin confiance à la société civile qui n'a à être sans cesse diaboilisée, et où tout parent tient à l'avenir de ses enfants.
Accompagner chacun au mieux de ses capacités et de ses intelligences, ce dés la formation initiale, et au delà en une formation tout au long de la vie, voilà le vrai enjeu, souvent débattu en tant de brillants colloques. Mais il faut aux mots des actes, et l'on ne saurait plus longtemps confisquer par un monopole obsolète, que ne pratiquent plus nos partenaires du monde libre, la liberté d'inventer ici comme ailleurs, les écoles d'aujourd'hui et de demain. Le secteur public, lequel gagnerait à de vraies décentralisations sera l'un des concurrents, mais il faut ouvrir le champ des possibles. Ceux qui prétendent que cela sera pour le nivellement et l'inculturation, ignorent-ils vraiment l'état des lieux en maints endroits, le règne du faire-semblant qui a accompagné toujours plus la massification, entre autres si nombreuses questions. Je ne veux entrer ici dans l'énoncé détaillé des critiques, mais l'école est une chose trop sérieuse pour qu'on accepte plus avant que sa détermination soit confisquée par les politiques. "L'Etat" doit garder de toute évidence un rôle, mais non plus tant "d'acteur direct", et tout pouvoir qu'on daigne lui accorder doit être contrebalancé d'un contrepouvoir accordé à la société civile.
Après la révolution agraire suivie des siècles plus tard par l'industrielle, l'humanité est face à son troisième challenge. Via le net, la possibilité , toujours plus accessible et simple, que tout homme ait accès aux ressources mondiales de la connaissance, les possibilités offertes au plan de l'organisatiion, de la communication, de la mutualisation intelligente des ressources, du pilotage individualisé des parcours de formation, via les technologies de l'information, tout cela offre un horizon permettant d'envisager le terrain de l'école d'une façon entrepreneuriale et sans cesse innovante. Les hommes du livre n'ont tant à craindre cette évolution qu'à surfer avec: il y aura de par cette nouvelle donne toujours plus de demande comme il faut pour ce challenge, sans cesse apprendre à apprendre et s'instruire . Ce n'est en préservant nos châteaux et nos pyramides, qu'on participera pleinement à ce pari pour l'avenir, ce n'est en confondant la quantité et la qualité, sous prétexte de quelque égalitarisme qui ne convaint même plus les intéressés, ce n'est en tournant le dos à un héritage pourtant exceptionnel, mais ne serait-ce qu'en réapprenant Montaigne et quelques autres illustres précurseurs, qu'on rejoindra enfin le monde en ce domaine, virant les oeillères, l'orgueil mal placé de celui qui ne veut même plus concourir prétextant que les dés sont pipés. Quant aux écoles françaises, si elles veulent participer pleinement à cette mise en réseau mondiale, elles doivent être laissées libres d'inventer, d'investir, de choisir leurs partenaires et d'innover. Il y certes ça et là déjà de la qualité ou des prémices, et nous voulons bien oser quelque confiance, mais elle sera vigilante.
Une vie ne devrait jamais être déterminée par quelque étape que ce soit, et il nous faut donc oeuvrer à une toute autre diversité que celle permise par notre vieux système, lequel au fond regarde plus en arrière qu'en avant, tendant à reconstituer les castes, plutôt qu'à valoriser toute intelligence, où que ce soit, à quelque âge que ce soit. Faut-il qu'une révolution soit d'essence française pour qu'elle soit aimable ou pouvons-nous pour une fois, nous contenter des places suivantes et admettre qu'il nous suffirait ici d'adopter ce qui partout ailleurs marche et avance à grands pas. L'obsédé du un serait alors moins en échec, et retrouverait ses moyens pour gagner certaines parties. D'autres alors honoreraient gaiement son panache retrouvé.
Philippe Seigneur
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