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Caccomo

  • L’école

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    Tous les trois ans, l’O.C.D.E. procède à une évaluation des performances des systèmes éducatifs des principaux pays développés et des nouveaux pays en émergence [1]. Dans son dernier classement publié en décembre 2007, le recul déjà observé dans les précédentes études est confirmé. Alors qu’il était tabou d’en parler dans les années précédentes, sous peine de passer pour un traitre qui oserait critiquer le meilleur système du monde, le classement de l’O.C.D.E a fait l’objet de commentaires et de débats plus ouverts qui témoignent d’une prise de conscience salutaire. Mais si le malade est enfin conscient de sa maladie, encore faut-il qu’il accepte le remède et surtout, qu’il ne se trompe pas de remède.

    Car les faits sont têtus : le niveau des adolescents se détériore dans toutes les matières fondamentales (maîtrise de l’écriture, de la lecture, baisse du niveau en mathématiques et sciences). Or, une grande partie de ces collégiens seront amenés à devenir quelques années plus tard des étudiants. Si les lacunes constatées ne sont pas comblées au lycée, elles conditionneront fortement les choix d’orientation de filières dans le supérieur. Dans certaines filières qui nécessitent une maîtrise indispensable de certains acquis de base, ces lacunes devront alors faire l’objet d’un rattrapage dans le supérieur provoquant un allongement de la durée des études que certains interprètent ensuite comme une élévation du niveau alors qu’elle est une forme d’inflation. Car la planche à diplômes est une forme de planche à billets... Mais cela explique en tout cas la quasi-absence d’étudiants dans les filières scientifiques et techniques compensée par la présence massive d’étudiants étrangers.

     Si l’O.C.D.E. procède à ce genre d’études comparatives, c’est parce que les économistes ont montré que la croissance économique et le développement ne dépendent ni de la possession de ressources naturelles (le Japon est pauvre en matières premières) ou de la quantité d’argent injecté dans le système (l’Algérie croule sous les pétrodollars accumulés), mais du capital humain, c’est-à-dire de la quantité et de la qualité de la population active. En France, l’école est d'abord une affaire politique : les programmes et les carrières des enseignants y sont tenus par des syndicats très puissants qui n’acceptent aucune remise en question de leur monopole. Et c’est sans doute ce caractère éminemment politique qui rend toute réforme impossible. Car pour y changer quelque chose, il faut obtenir le consensus, il faut l’accord de tous les acteurs (parents, enseignants, syndicats…etc. ). Et comme un pareil consensus est aussi improbable qu’introuvable dans un système centralisé, alors on ne touche à rien.

    Selon un titre publié dans la presse nationale, « l’école française a échoué à gommer les inégalités sociales » [2]. Voilà qui résume bien le malentendu et toute la dérive de notre système de formation. Car ce simple commentaire est révélateur des présupposés idéologiques qui structurent la conception et les fondements de l’éducation nationale à la française. Car est-ce bien là le premier rôle de l’école ? Le système éducatif a vocation à former au minimum des futurs citoyens respectueux, respectables et responsables et, au mieux, à fournir les compétences multiples et variées dont aura besoin la société dans le futur, notamment en donnant à chaque enfant la possibilité de trouver sa voie et de réaliser ses talents potentiels. Plutôt que d’égaliser tout le monde en fonction d’un niveau moyen qui serait extérieur à chaque élève, il faut au contraire donner la possibilité à chacun des élèves d’exploiter son propre potentiel et d’atteindre ses propres limites. C’est déjà un objectif éminemment complexe que l’on ne saurait confier à une organisation centralisée et planifiée sauf si l’on veut transformer les êtres humains en de dociles moutons écervelés.

    Il se trouve que la société aura probablement toujours besoin de boulangers, de maçons, d’hôteliers, d’avocats, de coiffeurs, d’écrivains, de scientifiques, de chirurgiens, d’enseignants, d’artistes, de chauffeur de taxis ou de pilotes d’avions et tant d’autres nouveaux métiers qu’il reste à imaginer. Or dans une société où peut s’épanouir et co-exister une telle variété de métiers et de professions, l’inégalité sociale – mais je préfère parler de « diversité », fruit de la liberté - est inévitable. Faut-il alors s’en plaindre ? Non dans la mesure où cette inégalité n’est pas le résultat d’un découpage a priori de la société humaine en castes étanches qui interdirait toute mobilité individuelle et tout espoir d’évolution personnelle.

    A force de s’échiner à gommer l’inégalité sociale en tant que telle, notre système éducatif finit par détruire les compétences et les métiers, en jetant sur le marché du travail une armée de jeunes sans qualification et sans motivation. Au lieu d’être inégaux dans la richesse et la croissance économique, ils seront égaux dans la pénurie et la stagnation, rendus totalement vulnérables et dépendant de la générosité publique.

    [1] Organisation de Coopération et de Développement Economiques

    [2] le quotidien Libération du 27 août 2007.

    Jean-Louis Caccomo

    Perpignan, le 17 mars 2008

    http://caccomo. blogspot. com/

    http://cozop. com/chroniques_ en_liberte

  • Retraite : l’impasse

    Au-delà du problème spécifique des régimes spéciaux de retraite, c’est la question de la réforme du régime général qu’il faudra bien poser un jour dans son ensemble. On ne pourra retarder indéfiniment l’inévitable car la France ne dispose pas d’une potion magique qui aurait échappée à l’ensemble des autres pays industrialisé s, lui permettant de ne pas faire les efforts que les autres ont dû faire. Tous les pays développés ont affronté la question de la pérennité du système de retraite fondé sur le principe de la répartition, en réponse aux évolutions lourdes qui affectent les tendances démographiques, notamment l’allongement de la durée de la vie.

    Ces évolutions sont de nature à déstabiliser l’équilibre du système de financement des retraites par répartition qui a été mis en place en 1945 à une époque où l’espérance de vie d’un français plafonnait à 65 ans (précisément l’âge officiel de départ en retraite). L’alignement des régimes spéciaux sur le régime général n’y changera rien, car les régimes spéciaux vont intégrer un régime potentiellement condamné. Il faut avoir le courage d’admettre - et de dire – que l’équilibre du système de répartition est fondé sur « l’espérance de notre mort » dans la mesure où il assure une retraite confortable aux « survivants » de toute une vie active. Pour diverses raisons, ces « survivants » étaient peu nombreux au lendemain de la seconde guerre mondiale.

    Heureusement, la croissance économique – tant décriée par certains - nous a apporté une amélioration de la qualité de la vie qui s’est traduite notamment par un allongement de la durée de la vie : les « survivants » sont heureusement de plus en plus nombreux. En conséquence, si l’on ne change pas ses paramètres structurels, c’est la mort du système de répartition qui est programmée. Fuir cette réalité est proprement irresponsable. Dans le fond, il vaut mieux la mort d’un système que celle des individus qu’il est censé protéger. Un système est conçu pour être au service des individus, et quand il ne marche plus, ce n’est pas les individus qu’il faut - et que l’on peut - changer, mais seulement le système. Partout dans le monde, c’est le couplage d’un système autorisant la capitalisation avec un système de retraite de base fondé sur la répartition qui a permis de sauver l’ensemble des retraites. Or, la France s’est enfermée de nouveau dans une impasse en écartant par principe - et surtout par aveuglement idéologique - le système de capitalisation. Et il est manifeste que les acteurs de cette censure ne savent pas très bien de quoi ils parlent.

    En tout état de cause, on pourra difficilement renverser les tendances démographiques surtout si l’on continue d’adopter des lois et cautionner des comportements qui contribuent à réduire la base réellement active de la population totale. Par exemple, l’allongement des études dans des filières qui contribuent à désorienter une masse croissante de jeunes fuyant les filières à vocation professionnelle (sous le fallacieux prétexte de bannir la sélection), et l’abaissement de l’âge de la retraite se cumulent pour rendre plus problématique encore la survie du système de répartition. On remarquera au passage que la réforme des universités et la réforme des retraites vont de pair, et qu’il est proprement suicidaire de s’opposer aux deux. Car nos orientations éducatives et sociales s’ajoutent aux tendances démographiques longues pour fragiliser encore plus le système de répartition auquel nous nous disons pourtant attachés, faisant des français les acteurs de leur propre faillite et nous interdisant de surcroit d’envisager les seules solutions de remplacement qui s’imposent.

    Jean-Louis Caccomo

    Perpignan, le 26 novembre 2007

    http://caccomo. blogspot. com/

    http://www.quebecoi slibre.org/ 07/071118- 5.htm

  • Silence, on ferme !

    L’année dernière, les lycéens en colère, avec la complicité idéologique et active de certains enseignants du secondaire, ont cessé les cours pour faire retirer la loi du CPE. Bizarrement, la même année, le taux de réussite au baccalauréat a atteint des records. Aujourd’hui, les mêmes lycéens, devenus étudiants, ont déjà compromis le premier semestre (qui dure en fait un trimestre). Autrement dit, il y a bien longtemps qu’ils n’ont pas pris sérieusement le temps de se consacrer à leurs manuels pour étudier dans la sérénité de la solitude et de la concentration, préférant les démonstrations de force collective les conduisant à hurler des slogans ineptes [1]. Dans les faits, ces mouvements semblent leur donner tous les droits. Ils ont bien compris la logique de notre système en revendiquant le statut d’étudiants : en France, conquérir un statut vous permet d’éviter d’assumer la fonction.

    A l’époque du CPE, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, a considéré qu’il était de son intérêt que le premier ministre Dominique de Villepin ait quelques soucis avec la rue. Sans doute, la chute du second a permis l’ascension du premier. Mais il y a toujours un effet boomerang car aujourd’hui, c’est son gouvernement qui se trouve prisonnier d’un bras de fer avec la rue somme toute inévitable, et que même l’ouverture à gauche n’aura pu empêcher. On prend toujours un risque mortel à serrer la main de ses ennemis et à fragiliser ses propres amis. Voyez comment l’UNEF, qui fut associée avant l’été à la négociation, se permet aujourd’hui de donner des leçons à la ministre de l’enseignement
    supérieur.

    Cependant, la gauche serait mal inspirée d’entretenir un troisième tour social, en croyant prendre sa revanche sur la démocratie représentative qui lui a donné franchement tort dans les urnes. Car se venger de la démocratie, c’est mettre en danger la démocratie ; et les français, qui ont clairement voté pour les réformes, ne remettront pas de sitôt au pouvoir ceux qui l’auront précisément contrarié.

    Le spectacle auquel nous assistons est tout de même affligeant. Je me sens personnellement humilié et bafoué quand mon ministre se fait donner la leçon par des étudiants dont le niveau réel de connaissances académiques et de culture générale est bien fragile à défaut d’avoir été sérieusement évalué. A aucun moment, alors que les AG (véritables Assemblées de Godillots) proclament l’occupation des facultés dans un simulacre de démocratie, on ne consulte l’administration ou les enseignants. Ces derniers n’ont désormais plus leur mot à dire : ils doivent obéir aux étudiants.

    On voudrait programmer le suicide de nos universités que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

    Jean-Louis Caccomo

    Perpignan le 19 novembre 2007

    http://caccomo. blogspot. com/


    [1] C’est à croire que les étudiants n’ont pas compris que, dans certaines filières exigeantes, chaque semaine d’étude manquée est difficilement rattrapable. D’autant que la seule participation en cours n’est pas suffisante étant entendu que, pour mettre toutes les chances de réussite de son côté, l’étudiant doit fournir un travail personnel intense et assidu. Ou alors l’université deviendra une imprimerie à diplôme, la planche à billet d’une monnaie qui aura perdu toute sa valeur (car le diplôme est un titre à l'instar d'une monnaie).