Intervention de Christian Vanneste, député UMP du Nord, devant les Contribuables associés sur le thème de “l’endettement et dépenses publiques”. Nous attendons vos commentaires !
Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient atteints. C’est ainsi que l’on peut résumer la situation angoissante des pays développés au lendemain de la crise financière des banques de 2008. 2009 et à la veille peut-être de la crise financière des États avec le risque du parfois évoqué. On pense particulièrement aux PIGS, et singulièrement à la Grèce. Déficit, endettement, montée des taux d’emprunt. La Grèce emprunte à presque 7% quand l’Allemagne est à 3.
Le fait que nous soyons plus prêts de l’Allemagne que de la Grèce devrait nous rassurer. Avec une plus grande lucidité, 75% des Français se disent « inquiets » des déficits et de la dette selon un sondage Ifop publié le 28 janvier dernier. Les chiffres sont effectivement inquiétants : un déficit de 150 Milliards d’euros pour 2010, une dette de 1 500 milliards à laquelle il faudrait ajouter 1 000 milliards pour les retraites à venir des fonctionnaires, et une croissance rabougrie à 1,4%. Les Français prennent conscience de leur responsabilité envers les générations futures. Avec raison, ils souhaitent réduire les dépenses plutôt que d’augmenter les impôts. Ils ne mesurent pas suffisamment la perte de compétitivité de nos entreprises, et le recul de l’attractivité de notre territoire (29% seulement).
Cette situation particulière de la France n’est pas provoquée par la crise. Celle-ci la rend seulement plus perceptible, et sans doute de manière insuffisante puisque les agences de notation gratifient encore la France d’un triple A. Pour en revenir à La Fontaine, c’est plutôt sympathique de donner la même note à la cigale française qu’à la fourmi allemande, car la cigale aurait beaucoup de mal à vendre les actifs qui lui valent sa bonne réputation.
L’État financier de notre pays a des causes. Il aura des conséquences. Il exige des solutions.
Pour les causes, l’image de la cigale les résume. Ce sont les 30 piteuses de Nicolas Baverez. C’est le cri d’alarme du Rapport Pébereau commandé par Thierry Breton en juillet 2005. Celui-ci soulignait déjà la multiplication de la dette par 5 depuis 1980, passée d’1/5ème aux 2/3 du PIB en 25 ans. L’augmentation de la dette ne résulte pas d’un effort pour la croissance, mais pour l’essentiel d’une gestion peu rigoureuse. On peut comprendre qu’en 1993, on creuse le déficit et qu’on accroisse la dette pour relancer la machine. Le problème c’est que cela fait 35 ans que cela dure à deux petites exceptions près pour la dette et que cela n’a rien relancé du tout. La France avec ses 53% de dépense publiques même depuis 2002 est resté l’un des pays les plus socialistes du monde. Les prélèvements obligatoires y demeurent très élevés, autour de 43%. La France est caractérisée par le poids de sa fonction publique : c’est Jacques Marseille, dans La guerre des deux France, qui soulignait que la France disposait de 10 fonctionnaires pour 100 habitants contre 6 en moyenne en Europe. L’emploi public est supérieur à 20% contre 16% en Allemagne. Surtout, elle a fait peu d’efforts contrairement à ses concurrents et néanmoins amis. La France voit aujourd’hui sa dette augmenter à partir d’un point haut, alors que beaucoup d’autres pays avaient auparavant réussi à la réduire, l’Italie de 19,5 points, la Belgique de 53 points, le Canada souvent cité en exemple de 38 points. La Suède a été exemplaire : 36 points de gagnés à 47,4. Elle est remontée aujourd’hui à 51,6. Entre 96 et 2007, la Suède, c’est la croissance, une progression du PIB plus forte que celle des dépenses publiques et une diminution des prélèvements obligatoires. L’Allemagne est à 74% de dette par rapport au PIB, et la France à 86,7 %.
L’addiction à la dépense publique y est telle qu’un système de vases communicants s’est mis en place. En 1981, l’État représentait 55% de la dépense publique, les collectivités 16,9% et la sécurité sociale 27,6%. En 2008, l’État, c’est 34,2; 20,9 pour les Collectivités territoriales et 43,9 pour la sécurité sociale. Les fonctionnaires non remplacés lors de leur départ à la retraite sont réapparus en plus grand nombre encore dans les collectivités, bien au-delà des effets de la décentralisation.
Les conséquences de cette dérive, c’est d’abord notre perte de compétitivité. Marc Ladreit de Lacharrière résumait ainsi : 10 ans d’euros + 10 ans de 35 heures. Les exportations des produits français vers les grands pays sont de 3% contre 10 pour l’Allemagne. Nous avons reculé de 5% dans les exportations de la zone euro dans les 6 dernières années. L’effet cumulé de l’Euro et des amortisseurs sociaux a eu un résultat anesthésiant. La seconde conséquence, c’est avec la part croissante du service de la dette dans nos budgets, la réduction de la marge de manoeuvre qu’on évalue au maximum à 15%. La troisième conséquence, c’est l’effet boule de neige : le déficit augmente notamment pour répondre à la crise, la charge de la dette augmente, ce qui augmente encore le déficit, avec le risque de la dégradation de la note de la France sur les marchés.
Un livre de Reinhart et Rogoff qui vient d’être publié aux États-Unis, This Time is different, montre le lien quasi constant entre la dette et la faiblesse de la croissance. Au-delà de 90% du PIB, elle va condamner à aborder la sortie de crise avec 1 point de moins de croissance que ce que nous connaissions auparavant. Avec des déficits de 2,5 dans les années 80/90, nous avions 2,4% de croissance. 2,9% de déficit en 90/2000 et 2% de croissance, 3,9 en 2000/2010 et 1,9% de croissance. La dette, c’est le chômage, c’est la décroissance, c’est un avenir obéré.
Y-a-t-il des solutions ? L’inflation est exclue notamment en raison de notre appartenance à l’Euroland. Reste donc apparemment l’augmentation des prélèvements obligatoires qui serait, dans le cas de la France, suicidaire. Nous avons déjà donné. Il y a toutefois l’absurde taxe carbone qui malgré les remboursements aurait dû rapporter 2,5 milliards d’euros à l’État. Est-il vraiment sérieux de surtaxer les entreprises d’un pays qui produit 1% du gaz carbonique mondial. Le Don quichottisme écologique n’a guère entraîné l’enthousiasme à Copenhague.
Il ne resterait apparemment que les économies. Il y a des gisements possibles. Sans parler des mesurettes du Rapport Warsmann, on peut évoquer en premier lieu les efforts de mutualisation et d’externalisation, par exemple pour le parc automobile du Ministre de la Défense. En second lieu, la réforme des collectivités territoriales qui aurait du aboutir à la suppression du Département. Mais on va encore choisir une demi-mesure comme l’ont été les heures supplémentaires défiscalisées pour les 35h, ou le Bouclier fiscal pour la suppression de l’ISF. En troisième lieu, il faudrait modifier la Constitution afin d’y inscrire le principe d’un montant maximal du déficit des administrations publiques, corrigé des incidences du contexte économique. L’Allemagne l’a fait en juin dernier pour bloquer le déficit à 35% du PIB dès 2016 et à revenir à 60% en 10 ans. Ce ne serait possible pour la France qu’à l’horizon 2020-2022.
Le Gouvernement français a choisi une politique plus iconoclaste, en pariant que ce sera Phénix et non pas Gribouille. On essaie à la fois d’abaisser la mauvaise dette du fonctionnement et d’augmenter la bonne dette de l’investissement, qui va à terme permettre de relancer la compétitivité de notre économie. Il faudrait peut-être à cet égard également choisir entre les bons et les mauvais impôts. La montée irresponsable des fiscalités locales doit également pouvoir être stoppée. En revanche je reste partisan d’une TVA augmentée pour faire payer une partie des charges qui ne sont pas liées aux entreprises comme la famille ou la maladie aux produits importés et aux touristes.
La difficulté de prendre des mesures cohérentes, claires et constantes pour le long terme est sans doute le risque de toute démocratie et singulièrement la faiblesse de la nôtre. Henri Kissinger disait : « les leaders modernes sont plus préoccupés par l’environnement immédiat et l’humeur des opinions publiques et ils oublient trop les tendances longues de l’Histoire ». Hubert Reeves disait qu’au NIMBY, « pas dans mon jardin » s’ajoutait le NIMTOO « pas durant mon mandat ». C’est pourtant le moment d’assumer ces mesures courageuses pour nous faire sortir du cercle vicieux initié il y a plus de 30 ans. La France a des atouts, notamment sa démographie. Elle a une grande faiblesse, le poids de sa dépense publique dont elle doit se délivrer.