Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

néo libéralisme

  • La leçon d'économie

    Économie, économie, économie. Il n'y a rien de tel qu'une crise pour forcer les esprits à se concentrer sur l'essentiel et à mettre de l'eau dans leur vin idéologique.

    Il y a seulement dix mois, tout aide financière au secteur bancaire ou automobile était rejetée. Ce n'était pas au gouvernement de choisir «les gagnants ou les perdants». Les Libéraux n'étaient pas partisan des «cataplasmes» économiques et la réduction du fardeau fiscal des entreprises était la meilleure façon de les aider à rester en bonne santé.

    Les Libéraux ne niaient pas la possibilité d'un ralentissement économique, mais défendaient avec acharnement son approche habituelle, accusant leurs adversaires d'offrir la recette parfaite pour une récession et un retour des déficits.

    Quelques mois ont passé, marqués par une crise financière sans précédent, une chute du prix du pétrole, un dollar à la valeur changeante, un ralentissement économique et une industrie automobile au bord du gouffre, et tout a soudainement changé.

    Pourquoi les Libéraux aujourd'hui n'osent-ils pas dire à leurs militants qu'ils ne peuvent s'en tenir à une approche idéologique en ces temps difficiles, un avertissement d'autant plus important que la future mise à jour économique ne peut voir le jour sans une aide à certains secteurs industriels, des dépenses dans les infrastructures pour stimuler l'économie et peut-être même un déficit. Le genre de politiques qui, du temps passé des Libéraux, auraient été qualifiées d'hérésie.

    Nombreux sont ceux parmi les Libéraux à être économistes de formation, mais l'économie, comme la science politique, est affaire d'écoles de pensée et même de chapelles. Comme les partis auxquels ils ont appartenu, les Libéraux ont toujours en fait adhéré à l'école de pensée néolibérale, tenante d'une fiscalité minimaliste, d'une réglementation allégée, d'un État non interventionniste et aux moyens limités. Au marché d'exercer sa force régulatrice sans entraves étatiques.

    Cette philosophie était aussi celle des républicains aux Etats Unis et a connu son apogée et sa subite déconfiture sous George W. Bush, avec la crise financière provoquée par un marché immobilier rendu fou et dépourvu de balises suffisantes. Le reste de l'économie a subi les contrecoups de la crise du crédit qui s'en est suivie et, aujourd'hui, toute la planète en paie le prix.

    Et que proposent maintenant les apôtres de l'approche néolibérale quand ils se retrouvent entourés de leurs homologues du G20? Que l'État se transforme en nouvelle providence pour le salut du marché. Il est maintenant accepté que l'État intervienne au moyen de politiques budgétaires capables de stimuler l'économie, de stabiliser les marchés financiers et de rétablir le crédit, quitte à afficher des déficits ponctuels. C'est l'économiste John Maynard Keynes qui doit rire dans sa barbe, lui qui a toujours préconisé ce genre d'approche, au point de devenir la bête noire, sinon la tête de Turc, des économistes conservateurs et libertariens.

    Ce n'est pas pour dire que Keynes détenait la vérité. L'erreur serait plutôt de rejeter en bloc ses remèdes, sans égard aux circonstances, ce qui est arrivé trop souvent. L'erreur serait identique s'il s'agissait de balayer du revers de la main tout ce que son adversaire idéologique, l'économiste Milton Friedman, a préconisé, ce qui s'est produit aussi.

    Le vent semble toutefois tourner, comme si les dogmes étaient solubles dans les eaux troubles de la crise. Le rêve d'un État réduit à sa plus petite expression n'a plus la cote. L'idéologie qui animait néo libéraux et Libertariens a fait place à un pragmatisme commandé par la survie.

    Il est désolant qu'il ait fallu en arriver là pour que les néo Libéraux modèrent leurs ardeurs. Il faut admettre cependant qu'ils ne sont pas les seuls à avoir besoin de se heurter à un mur pour ouvrir les yeux. Leur aveuglement idéologique aura retardé la mise en place de solutions qui, mises en oeuvre à temps, auraient peut-être atténué l'impact négatif de ces crises sur les services, le gagne-pain et les épargnes de millions de citoyens. Voilà ce qui est le plus triste.

    On peut dire que mieux vaut tard que jamais. Mais s'il fallait faire un plaidoyer contre la rigidité idéologique, on ne pourrait trouver meilleur cas d'espèce que la crise actuelle. En fait, les Libéraux de l'UMP, autrement dénommés "Réformateurs" ont généralement bien tiré leur épingle du jeu car ils se tiennent au centre de l'échiquier avec des politiques plus pragmatiques qu'idéologiques.

    La réalité électorale nous donne raison, bien sûr, mais aussi celle dure et cruelle d'une économie qui tangue, de travailleurs, de retraités, de familles qui s'inquiètent de l'avenir et qui se tournent vers leurs élus et leur gouvernement pour leur venir en aide.

    L'État a un rôle légitime à jouer, sans que cela exige une explosion de sa taille. Les citoyens s'y attendent quasiment d'instinct. Si, cependant, on le réduit comme peau de chagrin sous prétexte que les choses vont bien, on court le risque qu'il n'ait plus la capacité d'agir quand elles tournent mal.

    Espérons que les néo libéraux conservateurs et Libertariens retiendront la leçon au-delà de cette crise.

     

    Claude Guillemain

    Membre du Cercle Nantais des Réformateurs