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  • Après le « non » irlandais, quel avenir pour le traité de Lisbonne?

    Le référendum irlandais vient de rappeler une nouvelle fois la méfiance dont fait l'objet l'Union européenne. Mais il est difficile de voir une alternative au compromis trouvé dans le traité de Lisbonne.

    Entretien avec Peter Hägel, politologue, maître de conférence à American University of Paris.

    Comme interpréter le « non » irlandais ? Faut-il y voir la répétition des référendums de 2005, lorsque la France et les Pays-Bas avaient rejeté la Constitution européenne ?

    A des degrés variables, l'opinion eurosceptique s'exprime dans tous les pays membres de l'Union, mais ses motivations changent d'un pays à l'autre. Rappelons que dans le cas français, le rôle déterminant était joué par le refus d'une Europe jugée trop libérale, tandis que le « non » néerlandais était porté par la critique des transferts communautaires et la peur d'un « petit » pays d'être dominé par les « grands ». Dans le référendum irlandais, le scénario a été encore différent : le « non » a mobilisé une coalition extrêmement hétéroclite, allant des catholiques conservateurs soucieux de préserver la pénalisation de l'IVG aux agriculteurs réticents aux changements annoncés de la politique agricole commune, en passant par des voix libérales comme le groupe « Libertas », soutenu par les milieux d'affaires de l'île, qui voit dans l'Union une menace contre la politique d'impôts bas menée par le pays.

    Aucun traité au monde n'est capable de s'accommoder de critiques aussi différentes, voire contradictoires. Et le problème n'est peut-être pas là, mais dans la mobilisation des opinions positives : tous les sondages montrent que la majorité des citoyens d'Europe, en Irlande encore plus qu'ailleurs, soutient l'intégration européenne. Au lieu de se focaliser sur le camp du « non », les responsables européens devraient se demander pourquoi tant d'Européens choisissent de ne pas voter du tout ; en Irlande, le taux de participation n'était que de 53,4  %  ! De toute évidence, l'Union communique mal avec ses citoyens, qu'il s'agisse de rappeler les avancées réalisées que d'expliquer l'importance de ses traités.

     

    Quel est le scénario le plus probable pour sortir de la crise actuelle ?

    A l'exception de quelques eurosceptiques avérés – comme le président de la République tchèque Vaclav Klaus –, la plupart des leaders européens, en particulier les Britanniques, ont réagi en réaffirmant que le traité n'est pas mort et que la ratification devrait se poursuivre. Ils semblent vouloir dire que c'est l'Irlande qui doit maintenant trouver une solution – ce qui paraît frappé du coin du bons sens, étant donné qu'on voie mal une alternative au traité de Lisbonne. Par le passé, on sortait de l'impasse en trouvant des solutions particulières à des intérêts particuliers, comme dans le cas du Danemark en 1992, qui a obtenu une clause d'exemption sur l'adhésion à l'euro après avoir refusé le traité de Maastricht. Or, dans une Union à 27, cette voie-là n'est plus praticable ; le sentiment se répand qu'il ne faut plus tolérer la « tyrannie des minorités » : en l'occurrence, 862 000 Irlandais empêchent 500 millions de citoyens d'Europe d'avancer. Ce qui laisse penser que nous allons vers un nouveau référendum en Irlande. D'ici là, l'Union continuera de fonctionner avec le traité de Nice, qui ne lui laisse que peu de marges de manœuvre pour faire avancer des politiques européennes communes.

     

    Si les motifs du « non » diffèrent d'un pays à l'autre, ils contribuent tous à empêcher l'« approfondissement » de l'Union. Est-il encore réaliste de vouloir poursuivre l'intégration politique ?

    Si approfondissement veut dire construction d'une sorte d'Etats-Unis d'Europe, il semble effectivement que nous avons atteint une limite. Une Europe politique fortement intégrée était l'objectif d'une génération d'hommes politiques qui avait vécu la Guerre froide. Avec le temps et en raison de la diversité croissante de l'Union, cet objectif a perdu beaucoup de sa pertinence. Cependant, on oublie souvent que l'Union est déjà un système fédéral, dont les institutions parviennent à intégrer de nouveaux membres. Ses institutions peuvent certes être améliorées, et le traité de Lisbonne propose justement de régler un certain nombre de problèmes, notamment les mécanismes de prise de décision. Mais même si le traité finit par être adopté, dans quels domaines l'Union pourrait-elle faire vraiment mieux que les Etats pris individuellement ? A court et moyen termes, je ne vois pour ma part que la politique étrangère et la politique de sécurité. A cet égard, le traité de Lisbonne représente probablement le meilleur compromis entre la volonté de doter l'Union de plus grandes compétences et celui de préserver le pouvoir des Etats membres. Elle offre aussi des outils précieux pour renforcer la voix de l'Union sur la scène internationale.