Les difficultés de l’Education nationale sont générales et dépassent de loin le seul problème de l’immigration : c’est, en effet, à la faillite générale d’un système qui ne marche plus que nous assistons, presque indépendamment du public auquel il est destiné. Cependant, une immigration massive, incontrôlée et inassimilée constitue un facteur évidemment aggravant.
Les rares fois où le discours officiel se saisit de cette question, c’est pour évoquer les risques de « communautarisation », à savoir de repli sur des traditions propres. Il sera ici question d’ethnicisation, c’est-à-dire de rapport de force, reposant sur le nombre et l’occupation de l’espace – physique ou symbolique – au travers des codes culturels dominants. Ce phénomène est généralisé : il est perceptible chez les élèves et les enseignants aussi bien que dans l’administration de l’Education nationale.
L’analyse proposée ici repose sur une situation vécue depuis bientôt dix ans au sein du même lycée de Seine-Saint- Denis, dont la population, à 70% socialement « défavorisée », se répartit en 4 groupes ethniques d’importance comparable :
– Européens (essentiellement d’origine hispanique) ;
– Asiatiques ;
– Maghrébins ;
– Noirs (pour moitié Africains, pour moitié Antillais).
C’est donc un spectre assez large et différencié qui constitue l’échantillon de cette analyse.
1. Le phénomène d’ethnicisation chez les élèves
Trois aspects méritent d’être soulignés.
A/ Au quotidien
Les élèves, pour la plupart, se comportent au sein des établissements scolaires comme à l’extérieur. Cela se traduit par la ségrégation sexuelle, la tenue vestimentaire ou encore l’occupation toute particulière des cages d’escalier… Dans les classes, les élèves se regroupent naturellement par tendance « affinitaire », donc identitaire : lorsque des exposés sont préparés sur la base de groupes de travail volontairement constitués, seuls 10% en moyenne de ces groupes sont mixtes.
Cette ségrégation de fait se nourrit de la fuite d’un certain public vers le privé : les Blancs, mais aussi des Asiatiques et, de plus en plus, des Maghrébines – qui attendent de l’école autre chose que le prolongement de la cité…
B/ Dans les filières
La ségrégation se renforce également en lycée par le choix – souvent relatif, il est vrai – des parcours suivis. Les filières technologiques deviennent ainsi des « filières immigrées » car un grand nombre d’immigrés y sont orientés par leurs résultats scolaires et que les Blancs ont tendance à les fuir. Il convient de noter que la sur-représentation de populations en échec scolaire chez les immigrés tient essentiellement à leur milieu social particulièrement fragile (problèmes de chômage, de famille, de langue utilisée au foyer et plus généralement d’accès à la « culture commune », etc.).
C/ Dans les matières enseignées
Contrairement à une idée par trop répandue, il n’y a pas à proprement parler de sujets « à risque » cristallisant par eux-mêmes les phénomènes identitaires (le seul incident rencontré par l’intervenant a concerné le génocide arménien). Le problème principal tient à deux facteurs cumulatifs :
– L’attitude de consommateurs propre à l’ensemble de ces classes d’âge : globalement, les élèves « jouent le jeu » de l’institution mais ne s’imprègnent pas des connaissances et du message culturel proposés (la Renaissance européenne, par exemple, n’évoque strictement rien à l’immense majorité des élèves…) ;
– Le poids des origines, qui veut que tout soit ramené par les élèves à leurs origines ethniques (généralement mythifiées, fantasmées) : les immigrés – y compris asiatiques – ne se définissent pas et donc ne se vivent pas comme Français mais comme Marocains, Algériens, Laotiens… Tout est prétexte à cette sur-valorisation au détriment d’une acceptation d’un « bloc commun » naturellement européo-centré .
2. Chez les enseignants et l’encadrement
Nous assistons à une montée en puissance des immigrés au sein de cette population, avec une accélération ces 4 à 5 dernières années dans les secteurs plus particulièrement concernés (enseignants de mathématiques et personnels d’encadrement notamment). Dans le lycée qui constitue l’échantillon de la présente étude, 10% des enseignants sont aujourd’hui d’origine immigrée (mais plus de 15% dans l’enseignement général et technologique) , dont plus de la moitié maghrébins, parmi lesquels d’anciens élèves de l’établissement, ce qui constitue un phénomène tout à fait nouveau, qui corrobore l’entière adéquation entre l’organisation de l’Education nationale et celle de la société dans son ensemble.
Ce phénomène est également la conséquence directe de décisions gouvernementales. Ainsi, la suppression en 2003/2004 des surveillants (qui devaient obligatoirement être des étudiants, donc, de fait, majoritairement européens) au profit d’aides éducateurs et d’assistants pédagogiques à recrutement préférentiellement local (donc majoritairement immigrés) a contribué à la profonde mutation ethnique de ces populations d’encadrement. Avec des problèmes d’efficacité évidents : ces nouveaux « pions » sont souvent les « copains de cité » des élèves dont ils ont la charge, ou leurs voisins de palier, et ne peuvent donc assurer le minimum de discipline qui constitue le cœur de leur métier et leur raison d’être.
D’autres problèmes, plus insidieux, découlent de cette proximité d’origine entre les élèves et leur personnel d’enseignement et d’encadrement. Deux cas illustrent un risque potentiel de dérive :
– Un professeur de lettres d’origine maghrébine, qui utilisait ses cours pour diffuser sa vision toute personnelle des Etats-Unis et d’Israël ;
– Un autre qui prétendait sincèrement défendre la laïcité en récusant les « discriminations » dont seraient victimes les élèves musulmans (en dénonçant notamment, en réunion pédagogique, l’obligation faite à ces élèves de suivre les cours de sport alors qu’ils sont soumis par ailleurs au jeûne pendant la période du Ramadan)…
3. Au sein de l’administration de l’Education nationale
L’idée centrale de l’administration est d’adapter les enseignements au public auquel ils sont destinés. Elle ne peut être qu’encouragée par le souhait du président de la République de mettre fin au collège unique. Qui ne voit pourtant qu’au prétexte de ne pas « faire la même chose dans un collège de Corrèze et du 93 », c’est une adaptation forcée de l’institution à la situation particulière du 93 (et des autres nombreuses zones d’éducation de nature comparable) qui est envisagée ?
Puisqu’il faut « intéresser les élèves au savoir » mais que les élèves, pour un grand nombre, ne s’intéressent pratiquement qu’à leurs origines, comme évoqué précédemment, cela signifie que l’enseignement doit valoriser ces origines…
De même, derrière le discours sur la « valorisation des filières » mais qui concrètement ne consiste qu’à modifier à la marge les coefficients affectés aux différentes matières, c’est le même nivellement par le bas qui est poursuivi et qui gangrène déjà l’ensemble de l’institution. Le problème fondamental reste celui du niveau initial, des causes profondes qui expliquent l’échec scolaire et le reproduisent mécaniquement. La « valorisation » des sciences et techniques de gestion (STGE – ex-bac G) notamment revient, par une baisse du niveau d’exigence minimale, à embouteiller les BTS qui en constituent le meilleur débouché, ce qui contribue à dévaloriser ces bac+2 et repousse d’autant la légitime reconnaissance économique et sociale attendue de l’obtention d’un titre ou diplôme. La solution résidant dans des études plus longues et complexes, donc plus coûteuses, cela contribue à accroître la sélection sociale – et donc souvent ethnique – des parcours scolaires et universitaires. C’est donc l’immense majorité des élèves et de leurs familles qui se trouvent ainsi sacrifiés, et pour lesquels les dispositifs envisagés de « discrimination positive » ne constitueraient que la même fuite en avant…
L’absence de réaction du corps enseignant s’explique pour l’essentiel par l’effondrement de l’idéologie et de l’encadrement communistes, et le triomphe du relativisme et du « droit-de-l’hommisme » qui tiennent lieu d’idéologies de substitution mais ne peuvent bien évidemment constituer en soi des méthodes et un discours cohérents pour une institution. Le « supermarché des valeurs » est la négation de toute valeur. En cela, l’Education nationale est bien le reflet de l’ensemble de la société. Mais pour son plus grand malheur – et celui des populations, notamment immigrées, qui lui sont confiées.
© POLEMIA
Septembre 2007