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  • Les peuples face à la dérive autoritaire de l'Europe


    rioufol.jpgPar Ivan Rioufol

    L'Elysée juge «inacceptable», ce mercredi, les critiques de la commissaire européenne  Viviane Reding, qui a suggéré une comparaison entre la condition des Roms en France et celle des Juifs durant l'Occupation. «Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre Mondiale», a-t-elle déclaré hier. Ce matin,sur RTL, le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, a dénoncé un «dérapage» de la commissaire, qui veut saisir la Cour de justice européenne. Lellouche: «L'aéroport de Roissy, ce n'est pas Drancy. Un pécule, un billet d'avion pour le pays d'origine de l'UE, ce n'est pas les camps de la mort, ce n'est pas les chambres à gaz». La France a  raison de s'indigner. Mais l'outrance de Mme Reding, outre qu'elle banalise le calvaire des juifs sous Vichy, dévoile surtout une Union européenne soviétoïde, qui met des mots sous surveillance, traque des positions non-conformes, protège les revendications des minorités tout en condamnant les critiques qui pourraient être émises contre elles.

    C'est au nom de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, qui a institué le politiquement correct en norme communautaire s'imposant aux États, que la France est accusée de «discrimination ethnique» pour avoir nommé les Roms en situation d'illégalité. Or ce texte, incorporé dans le projet de Constitution européenne, avait été rejeté par 55% des Français lors du référendum de 2005, avant que le parlement ne l'avalise en 2007 en signant du même coup son divorce avec l'opinion. Ce qui apparaît aujourd'hui, avec ce rappel à l'ordre d'une si bien nommée commissaire n'ayant cure des attentes des Français, est très exactement ce que les citoyens avaient pressenti, en redoutant l'affaiblissement de leur souveraineté et donc de leur nation. C'est le peuple, scandaleusement désavoué par ses représentants, qui avait vu juste une fois de plus. Il est en droit d'exiger de cette Europe autoritaire et insultante mais sans légitimité populaire qu'elle rabatte son caquet.

    Cette Europe là est d'autant plus critiquable que ses encouragements au multiculturalisme l'auraient amené à faire de dangereuses concessions aux pays de l'Organisation de la conférence islamique, qui regroupe 57 États musulmans. C'est du moins la thèse que soutient l'historienne Bat Ye'or dans un livre qui sortira prochainement (L'Europe et le spectre du califat, Editions Les Provinciales). Je cite un passage de son livre: «Cette Europe-là, beaucoup d'Européens n'en veulent pas. Ici et là des frondes se préparent et la nomenklatura qui a construit ce monstre se prépare à sévir contre ceux qu'elle devrait protéger. La confiance est rompue entre gouvernés et gouvernants dissimulés dans une bureaucratie mondialiste sans visage. Louvoyant dans les cercles anonymes des réseaux de réseaux, elle impose ses directives dictées par des pouvoirs étrangers, menacée de représailles économiques et d'un terrorisme extra et intra-européen». J'espère que sa démonstration sera au moins débattue.

    En tout cas, le procès en abus de pouvoir de l'Union européenne ne fait que commencer.

    Source : Le blog d'Ivan Rioufol

  • La chrématistique ou l’économie dévoyée...

     

     

    La chrématistique (de chrèmatistikos, qui concerne la gestion ou la négociation des affaires et plus particulièrement les affaires d'argent; ta chrèmata, les richesses ou deniers) est une notion créée par Aristote pour décrire la pratique visant à l'accumulation de moyens d'acquisition en général, plus particulièrement de celui qui accumule la monnaie pour elle-même et non en vue d'une fin autre que son plaisir personnel. Aristote condamne avec virulence cette attitude.

    Aristote (vers 384 – 322 av. J.-C.) montre ainsi dans de nombreux textes dont l'Éthique à Nicomaque la différence fondamentale entre l'économique et la chrématistique. La chrématistique est l'art de s'enrichir, d’acquérir des richesses. Elle s'oppose à la notion d'économie (de oïkos, la maison donc la communauté au sens élargi, et nomia, la règle, la norme) qui désigne, elle, la norme de conduite du bien-être de la communauté, ou maison au sens très élargi du terme.

    Aristote introduit deux formes possibles de chrématistique.

    La "chrématistique naturelle" ou "nécessaire"

    La première est liée à la nécessité de l'approvisionnement de l'oïkos, c'est-à-dire de la famille élargie au sens de communauté. On ne peut pas la dénigrer, car elle est nécessaire à la survie. On distingue dans cette chrématistique naturelle l'art naturel au sens propre - celui relié à la prise de possession directe ou à l'utilisation du travail des esclaves pour s'auto-suffire - de l'art naturel par l'échange nécessaire. Ce dernier est indispensable puisque l'autosuffisance reste difficile à maintenir. Aristote admet le troc et l'échange pratiqué par la monnaie comme important, mais insiste sur le fait que cette dernière ne doit pas être accumulée, qu'elle ne doit être utilisée que pour réaliser l'échange.

    La "chrématistique" proprement dite ou "commerciale"

    La seconde forme de chrématistique est radicalement différente et est liée au fait de "placer la richesse dans la possession de monnaie en abondance". C'est l'accumulation de la monnaie pour la monnaie (la chrématistique dite "commerciale") qui, selon Aristote, est une activité "contre nature" et qui déshumanise ceux qui s'y livrent : en effet, toujours selon Aristote, l'homme est par nature un "zoon politikon" animal politique (politikos, citoyen, homme public)  Et dans de nombreux textes, Aristote précise bien qu'il est "fait pour vivre ensemble" ou encore "en état de communauté". C'est de ce point de vue qu'Aristote se place lorsqu'il déclare que la politique consiste avant tout à "organiser et maintenir l'état d'amitié entre les citoyens". Ainsi, suivant l’exemple de Platon, il condamne le goût du profit et l'accumulation de richesses. En effet, la chrématistique commerciale substitue l’argent aux biens ; l’usure crée de l’argent à partir de l’argent ; le marchand ne produit rien : en l'absence de règles strictes visant leurs activités et d'un contrôle de la communauté dans son ensemble, tous sont condamnables d'un point de vue politique, éthique et philosophique.

    Aristote traite la chrématistique comme un ensemble de ruses et de stratégies d’acquisition des richesses pour permettre un accroissement du pouvoir politique, la condamnera toujours en tant que telle et donnera une place beaucoup plus importante à l’économie : il s'agit de ce point de vue d'un auteur fondamental dans l'Antiquité, et qui aura une très grande influence durant toute la période médiévale.

    L'Église catholique tout au long du Moyen Âge reprend la critique aristotélicienne contre cette pratique économique et la déclare contraire à la religion. Thomas d'Aquin, dans sa Somme Théologique, affirme ainsi: « Le négoce consiste à échanger des biens. Or Aristote distingue deux sortes d'échanges. L'une est comme naturelle et nécessaire, et consiste à échanger [...] pour les nécessités de la vie." L'autre forme, au contraire, "consiste à échanger [...] non plus pour subvenir aux nécessités de la vie, mais pour le gain.[...] Voilà pourquoi le négoce, envisagé en lui-même, a quelque chose de honteux, car il ne se rapporte pas, de soi, à une fin honnête et nécessaire. »

    Cependant, Thomas d'Aquin relève ensuite qu'il est possible que le gain dans l'échange puisse être toléré, dès lors qu'entre l'achat et la revente, "soit que l'on ait amélioré cet objet, soit que les prix aient variés selon l'époque [...], soit en raison des risques auxquels on s'expose en transportant cet objet [...]." Dans ce cas, le négoce avec un gain est licite. De même "quand un homme se propose d'employer le gain modéré qu'il demande au négoce, à soutenir sa famille ou à secourir les indigents, ou encore quand il s'adonne au négoce pour l'utilité sociale [...]", il n'est pas illicite de réaliser un gain dans l'échange. C'est donc le mobile du négoce qui est condamnable ou licite pour Thomas d'Aquin.

  • L'Union européenne parvient à un accord sur la supervision financière


    A la Une de la presse ce matin, l’adoption par l’UE, suite à un accord entre ses institutions, d’une nouvelle architecture de supervision du secteur financier. C’est l’aboutissement d’un an et demi de négociations houleuses mais qui se sont récemment accélérées : le temps pressait pour les institutions, après l’adoption par les Etats-Unis d’un texte en juillet, et afin de préparer le G20 de novembre en Corée du Sud au sein duquel l’Europe entend prendre le leadership sur ces questions [Le Monde].

    Le texte prévoit la création de quatre organismes : un Comité européen du risque systémique chargé d’évaluer les risques macroéconomiques qui menaceraient le système financier, ainsi que trois autorités pour surveiller les banques, les assurances et les marchés. Ces trois dernières pourront passer outre les décisions de leurs équivalents nationaux dans trois situations : si ceux-ci violent le droit européen, s’ils sont en désaccord entre eux, ou bien si les Etats membres déclarent une "situation d’urgence" [Euractiv.com].

    Ce dernier point a été l’objet de litiges. Le Parlement et la Commission souhaitaient eux aussi pouvoir déclarer l’urgence, mais les Etats ont eu gain de cause et resteront seuls titulaires de ce pouvoir. La Commission et le Président de la Banque centrale européenne peuvent en revanche leur demander d’y avoir recours. Dans le cas de ce dernier, ça sera en sa qualité de Président du Comité du risque systémique, une victoire cette fois du Parlement qui tenait à voir la fonction occupée par un personnage indépendant et clairement identifiable.

    Les avis sont cependant partagés sur les progrès qui ont réellement été atteints avec cette décision. Les Etats membres conservent par exemple une "clause de sauvegarde budgétaire" pour conserver leur souveraineté et éviter que leurs politiques budgétaires soient affectées par une décision des autorités [Le Monde]. Les pouvoirs significatifs confiés à ces régulateurs (comme celui d’interdire certains types d’actifs) sont très rigoureusement encadrés [Le Figaro]. Les différents organismes seront répartis dans trois villes d’Europe (Londres, Paris, Frankfort), ce qui pourrait les affaiblir.

    Les ministres des Finances approuveront formellement l’accord le 7 septembre, puis viendra le tour du Parlement à la fin du mois.