Le gouvernement propose de laisser la liberté aux individus de travailler jusqu’à 70 ans. Evidemment, cette mesure fait hurler la gauche étant donné que la gauche doit s’opposer par principe à tout ce que pourrait proposer le gouvernement. Mais elle s’oppose comme toujours sur le registre de l’émotion et du populisme plutôt que sur celui de l’analyse et de la réflexion.
Car il y a certes quelque chose de très critiquable dans cette mesure. C’est le fait de se retrouver affilier de force à un régime général qui détient la possibilité – que lui confère son pouvoir de monopole – de changer les règles du jeu en cours de partie, les cotisants n’ayant pas la possibilité de sortir du système pour faire jouer la concurrence. Imaginez une banque modifiant les termes de votre crédit immobilier sous le fallacieux prétexte que les taux d’intérêt auraient augmenté : « madame, monsieur, au lieu de nous rembourser pendant 15 ans, il faudra payer pendant 20 ans pour obtenir la même maison… ».
Mais cela, la gauche n’en parle même pas. Elle voudrait que le gouvernement réalise l’impossible : maintenir voir baisser l’âge de la retraite sans toucher aux principes du système par répartition. Dans le cadre du système de répartition, qui suppose un certain rendement « biologique » (c’est-à-dire plus précisément un renouvellement des générations actives), soit on augmentera les cotisations (augmentation des charges qui pèsent sur le coût du travail), soit on diminuera les droits à la retraite, soit il faudra augmenter les années de cotisations tant que la démographie active ne sera pas redressée.
Par ailleurs, nombreux sont les opposants qui arguent du fait que les « vieux » prennent des emplois aux « jeunes ». Mais si cette proposition avait un gramme de vérité, alors il faudrait considérer que les femmes prennent la place aux hommes et que les étrangers prennent les emplois des nationaux, ce qui reviendrait à cautionner les thèses sexistes et racistes de l’extrême-droite. De toute façon, cela est économiquement faux dans la mesure où le travail appelle le travail. Ce sont dans les pays où la population active, où la base active, est la plus faible, que le taux de chômage est le plus important. Le travail créé le travail tandis que le partage du travail constitue un rationnement qui n’est en fait qu’un chômage déguisé.
Enfin, le dernier argument consiste à dire que l’allongement de l’âge de la retraite est un non-sens alors que les séniors ont déjà du mal à trouver du travail. Mais si les séniors ont des difficultés à s’insérer sur le marché du travail lorsqu’ils perdent un emploi, c’est justement parce que le couperet de l’âge de la retraite dissuade les employeurs. En baissant l’âge de la retraite, on fragilise les séniors en les rendant « inemployables ».
Jean-Louis Caccomo
Perpignan, le 4 novembre 2008