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Economie de marché versus société de marché

Le pacs a le vent en poupe. En 2006, 77 000 couples ont décidé de signer un pacs, dont une majeure partie est constituée par des couples hétérosexuels. Le nombre de « dépacsé » est aussi en augmentation, ce qui contribue d'ailleurs au succès du pacs : la facilité de sortie du couple facilitant les nouvelles entrées. Cet engouement appelle quelques commentaires. Ce succès révèle en effet la préférence naturelle et affichée des gens pour la souplesse, l’arrangement contractuel et le sentiment de liberté.

Pourtant, ce sont précisément ces valeurs qui sont refusées aux agents économiques. A en croire les partenaires sociaux, experts en dialogue social (basé sur la violence et le rapport de force), les relations qui unissent des hommes et des femmes au sein des entreprises devraient être figées, réglementées et soudées une fois pour toutes, sans aucune possibilité de « divorce » ou « remariage ». Pourtant, nous sommes aussi des agents économiques. Les entreprises ont besoin de souplesse, d’arrangements contractuels fondés sur la négociation plutôt que d’obligations réglementaires, et de ce sentiment de liberté qui leur permet d’évoluer et de s’adapter, ou de changer si l’environnement l’impose. Car les facteurs de production sont mobiles et se renouvellent sans cesse de sorte qu’il est impératif de revoir leurs combinaisons. Celles qui marchaient hier peuvent devenir usées aujourd’hui.
La relation entre le salarié et l’employeur repose normalement sur un contrat. En ce domaine aussi, on aimerait avoir le choix entre l'union libre, le mariage ou le pacs ; car un mariage forcé a peu de chance de succès. Par ailleurs, plus la sortie est coûteuse, compliquée et difficile, plus l’entrée le sera. Autrement dit, plus on rendra le licenciement difficile, moins il y aura d’embauche de la même manière que si les gens sont dans l’impossibilité de divorcer, ils se détourneront du mariage.

L’analogie n’est pas anodine car un couple est aussi une unité économique fondamentale. Alors que l’entreprise combine du capital et du travail pour produire des biens de consommation, le couple combine des individus pour produire d’autres individus. Et pour l’instant, en l’absence d’innovations technologiques radicales, il faut combiner un homme et une femme pour faire des enfants. Autrement dit, alors que l’entreprise est une unité de production, le couple est une unité de reproduction. C’est un aspect fondamental de la croissance économique étant entendu que sans capital humain, sans êtres humains, il n’y aurait plus de travailleurs, plus de consommateurs, plus d’entrepreneurs du tout. Il faut donc faire des enfants. Mais faire des enfants n’est pas seulement un acte biologique. Il faut les éduquer pour qu'ils intègrent un jour avec bonheur la population active. Généralement, ce sont les parents qui éduquent leurs propres enfants même si on peut imaginer des solutions diverses au fur et à mesure de la recomposition des familles.
En tous les cas, éduquer des enfants prend un certain nombre d’années. C'est un processus chaotique qui prend son sens sur le long-terme. Et le père que je suis ne connait pas la recette miracle : c’est sans doute le métier le plus difficile, le plus beau et le plus ingrat (je commence à peine à comprendre aujourd’hui certaines des décisions de mon père mais il n’est plus là pour que je lui témoigne ma reconnaissance) .
Eduquer un enfant ne se fait pas en un jour. C’est sur la base de ce constat vieux comme le monde que les sociétés ont mis en place des institutions permettant aux familles de se constituer, et si possible de durer, afin d'éviter que les couples se brisent à la première difficulté venue (et les embûches sont nombreuses et sont autant de sources de discordes dès qu'il s'agit d'éduquer ses enfants). Bien-sûr, on ne peut pas forcer à rester ensemble deux personnes qui ne s’aiment plus. Mais il faut prendre garde de ne pas succomber à la demande de flexibilité dans les domaines où elle ne s’impose pas toujours alors qu’elle fait cruellement défaut dans les domaines vitaux de la production des richesses. Les moeurs sont un élément de rigidités qui assurent des cadres aux individus et à la société qu'il est nécessaire parfois d'assouplir mais qu'il est dangereux de détruire.

Jospin avait dit un jour « oui à l’économie de marché, mais non à la société de marché ». Pourtant, j’ai l’impression qu’en France, on a fait exactement le contraire : on se ferme obstinément à l’économie de marché (c’est-à-dire à l’économie du contrat libre) tandis que la société de marché a déjà envahit toute la sphère sociale.

 

 

 

Jean-Louis Caccomo,

 

Perpignan, le 29 octobre 2007

 

http://caccomo. blogspot. com/

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