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renault

  • Une légende bien entretenue

    Source : http://libertylovers.blogspot.com/

    Le barouf médiatique autour de l'appel du 18 juin amène à se reposer quelques questions sur l'importance historique d'un homme qui semble aujourd'hui être l'objet d'une idolâtrie béate.
    Sur l'appel lui-même, le moins que l'on puisse dire est qu'il fut très habilement exploité au plan médiatique, alors qu'il ne mérite tout bien considéré, qu'une place assez dérisoire dans le contexte de l'époque.
    De Gaulle propulsé comme instigateur de la résistance et héraut de la France libre, celle « qui ne se rend pas », par la seule vertu d'une déclaration qu'il l'enregistra tranquillement carapaté à Londres, au moment le plus tragique de la défaite, cela pourrait prêter à sourire, si les conséquences n'avaient pas été si terribles et durables.
    De là naquit en effet une légende tenace qui transforma de manière manichéenne les uns en sauveurs de la patrie, les autres en traîtres, en divisant profondément la France, et en infectant la plaie causée par la reddition puis par l'occupation.

    Sans chercher à rouvrir un débat qui n'en finit pas de meurtrir le pays, il devrait être possible de dire que De Gaulle, qui avait paraît-il « une certaine idée de la France », ne chercha guère à en panser les blessures. L'affreuse épuration qui suivit la fin de la guerre et qui fut peu ou prou avalisée par lui et son entourage, reste comme une tache indélébile sur son uniforme. Parmi les innombrables victimes qui payèrent au prix fort des crimes souvent imaginaires ou largement exagérés, il faut citer Louis Renault, dont le sort atroce est rarement évoqué, alors qu'il constitue un des épisodes les plus honteux de cet époque. Non seulement De Gaulle pilota les tribunaux d'exception qui déchainèrent une foudre haineuse et inique sur un homme innocent et malade, mais il nationalisa sans vergogne ses usines 4 mois après sa mort !
    En réalité, à aucun moment depuis la Libération et jusqu'à sa disparition, il n'essaya vraiment de mettre en oeuvre une vraie politique de réconciliation. Aujourd'hui encore le fossé reste béant et les divisions profondes.

    D'une manière générale, qu'en est-il de l'héritage soi disant prestigieux du Général ?
    Certes il réussit à remettre en ordre une France détruite, corrompue et déchirée par l'occupation, mais ce fut au prix du retour en force des Communistes qui instillèrent leur influence désastreuse sur le pays et en politisèrent durablement toutes les infrastructures.
    Certes il fut l'artisan avec le chancelier Adenauer d'un début de réconciliation avec l'Allemagne, mais à aucun moment la France ne parvint à imprimer une dynamique à la construction de l'Europe. La vision du chef de l'Etat français en la matière était d'ailleurs à la fois bornée et inconséquente. Il en voyait les contours « de l'Atlantique à l'Oural », alors que toute la partie Est du continent était plongée dans les ténèbres soviétiques. De l'autre côté, il s'ingénia à empêcher l'entrée de l'Angleterre dans le club, tout en ruinant l'espoir de voir surgir une grande et forte union militaire avec les Etats-Unis, lorsqu'il claqua la porte de l'OTAN.
    In fine, son attachement chauvin à la nation lui faisait de toute évidence mépriser l'idée même de l'Europe surtout dans sa conception fédérale (on se rappelle l'anecdote des cabris).

    La grandeur de la France Gaullienne est un vain mot. Il abandonna une bonne partie de l'empire colonial, non sans raison, mais d'une manière indigne. Il devrait de ce point de vue apparaître comme un destructeur aux yeux des nostalgiques de la France impériale (qui  manifestent pourtant une curieuse fascination pour sa stature balourde). Il y a peu de chances en tout cas qu'il passe un jour pour un bienfaiteur aux yeux des peuples brutalement livrés à l'indépendance, c'est à dire souvent abandonnés à des régimes sanguinaires et rétrogrades.
    De ce point de vue, la politique africaine de la France ne fut pas très admirable, charriant dans son sillage quantité de lâchetés, de magouilles, de compromissions et de protections douteuses.
    En matière de politique intérieure, il restaura plus que jamais la centralisation et la bureaucratie. Peu d'imagination caractérisa sa politique crispée sur les prérogatives de l'administration et la tutelle omniprésente de l'Etat. Même les grandes réalisations furent souvent des échecs ruineux ou bien des symboles grandiloquents mais peu efficaces : du paquebot France au Concorde, en passant par la bombe atomique...
    La même tendance sévit au plan culturel, dont le rayonnement ne fut pas un des points forts de ce régime en dépit des fameuses maisons créées par Malraux à cet effet. Qu'on se souvienne  que la France durant de nombreuses années, dut se contenter d'une télévision entièrement étatisée via l'ORTF, pendant que l'information elle-même, avait son ministère !

    En définitive, il me paraît opportun de terminer cette analyse un tantinet anticonformiste par la formule assassine mais assez jolie de Pierre Assouline sur son blog : « le génie politique de De Gaulle a été d’offrir aux Français des mensonges qui les élèvent plutôt que des vérités qui les abaissent. » Ne souffrons-nous pas toujours de cette délicieuse perversion ?

    Sur le sujet, il serait également judicieux de ressortir l'essai décapant et insolent mais parfaitement ajusté de Jean-François Revel : Le Style Du Général.
    On pourrait aussi relire le très oublié Coup d'Etat Permanent d'un certain François Mitterrand (qui hélas ne s'inspira guère de ses bonnes idées lorsqu'il accéda lui-même à la fonction...)