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Guillaume Tabard - Bonjour, moins 7 % à la Bourse de Paris, hier, près de moins 8 % encore aujourd'hui. Après la courte euphorie qui a suivi l'annonce du plan de sauvetage des banques, les marchés repartent à la baisse redoutant une récession longue et forte. Pour parler de la crise aujourd'hui l'invité est Hervé Novelli. Hervé Novelli, bonsoir.
Hervé Novelli - Bonjour.
Le répit aura été de courte durée et les Européens ne vont pas tous les matins faire un plan à 1 500 milliards. Qui peut encore éviter que la crise s'amplifie et s'aggrave ?
Je crois qu'il faut clarifier les choses. On n'a pas fait un plan pour la Bourse. Ce qui a été fait par le président de la République, président en exercice de l'Union européenne avec tous les pays, c'est une action concertée sur des principes communs, déclinés pays par pays, pour alimenter les banques, et pour faire en sorte que le poumon économique, la capacité à financer, l'économie soit préservé. Cela était indispensable, vital.
Apparemment ça ne suffit pas ?
Vous n'en savez rien. Il faut distinguer la cotation de la Bourse, la cotation des valeurs qui obéit aujourd'hui à des facteurs assez irrationnels et la capacité des banques à financer l'économie. Les taux interbancaires, c'est-à-dire la capacité à faire en sorte que le financement entre les banques soit possible par une baisse de ses taux est aujourd'hui engagée pour la première fois depuis la faillite de Lehman Brothers. Je crois qu'il faut bien distinguer les choses. Il y a une capacité à financer les banques pour qu'elles financent l'économie qui est rétablie. Puis, aujourd'hui, il y a une insécurité des acteurs qui agissent sur le marché boursier et qui anticipent une difficulté majeure sur le plan économique. Voilà la réalité mais je crois qu'il était vital d'agir comme on l'a fait. Le fait que la Bourse, aujourd'hui soit plutôt sur l'anticipation de la crise économique, du ralentissement économique plus exactement, parce qu'il est difficile de la qualifier...
Vous parlez pudiquement de «difficulté majeure», aujourd'hui tout le monde emploie le mot récession. Est-il abusif de dire aujourd'hui que la question n'est pas de savoir s'il y aura une récession mais plutôt de se demander de quelle ampleur elle sera ?
Je crois qu'il ne faut pas se payer des mots. C'est vrai que la France est au bord de la récession comme tous les pays qui nous entourent. Aujourd'hui nous devons faire en sorte de voir comment nous devons réagir par rapport à ce ralentissement très brutal qui affecte l'ensemble des économies occidentales. De ce point de vue, le fait majeur est qu'on a su - je ne parle pas de la crise financière, je parle de notre capacité par un plan en faveur du financement des Petites et moyennes entreprises - être très réactifs. Cela sera-t-il suffisant pour que les PME, qui sont les plus fragiles en cas de ralentissement économique, sortent toutes indemnes de ces difficultés, je n'en sais rien. Mais nous avons anticipé.
Ce plan pour les PME, il avait été annoncé très tôt dans la crise, ce sont 22 milliards d'euros pris dans les caisses de la Caisse des dépôts…
Pas totalement.
22 milliards d'euros pour les PME, concrètement savons-nous quand, premièrement, cet argent arrivera dans les entreprises et deuxièmement, selon quels critères il sera distribué ?
Je vais vous le dire, mais auparavant je voudrais dire combien j'ai été content de voir que lorsque le 18 août le premier ministre nous a réunis, Christine Lagarde, moi-même et les ministres pour l'économique, mon souci de préserver ou d'améliorer le financement des PME a été tout de suite au cœur des réflexions. Il y avait des statistiques qui, à l'époque, n'anticipaient pas ce ralentissement. Malgré tout le premier ministre, la présidence de la République ont tout de suite indiqué combien il était vital…
Un bon point pour le gouvernement mais maintenant les 22 milliards ?
Cette capacité de réactivité, elle continue de jouer. Sur les 22 milliards, 5 milliards passent et transitent par OSEO, la banque de financement des PME. Au passage, combien on a été bien inspiré de fusionner l'ensemble de ces agences et de faire une grande agence de financement des PME. Il reste 17 milliards, ils proviennent non pas de la caisse mais de la centralisation des excédents de l'épargne réglementé, les ex-Codevi d'un côté, les Livrets d'épargne populaire de l'autre qui vont être laissés à disposition des banques. C'est là que se pose le problème, nous nous disons plan PME, ça veut donc dire que ces 17 milliards doivent aller seulement à ces PME ou à ces entreprises de taille intermédiaire qui vont avoir besoin de financements rapides. Tout cela sera mis en place. Vous m'avez posé la question du calendrier, jeudi, aujourd'hui, le 15 octobre et le 21 octobre, les sommes seront disponibles. Une convention, qui sera signée entre l'État et les banques avant la fin du mois, régira le fléchage de ces 17 milliards vers les PME, c'est-à-dire qu'il y aura des obligations pour les banques. Obligation d'abord de reporter sur les en-cours de crédits et les nouveaux prêts aux PME. Cela sera reporté tous les mois. Il y aura donc des clauses de revoyures formelles qui nous permettront de suivre l'affectation de ces 17 milliards aux PME et cela je crois est indispensable pour que l'on est vraiment ce financement des PME.
Cela va-t-il suffire pour empêcher les faillites consécutives à un arrêt… ?
Je ne vais pas dire qu'il n'y aura pas de casse. En revanche, ce qui est sûr, c'est que nous avons rétabli le circuit de financement et les 5 milliards d'OSEO, par exemple, sont immédiatement disponibles. Dès maintenant, il y a le numéro vert d'OSEO (0810 00 12 10), qui est le numéro fort, que tous les entrepreneurs aujourd'hui doivent connaître s'ils ont des difficultés avec leurs banques, il faut qu'ils appellent le 0810 00 12 10, et ils seront immédiatement mis en relation avec un correspondant d'OSEO de leur région. On est tout de suite dans la proximité. C'est très important.
C'est très concret. D'un côté, l'argent pour les entreprises…
L'argent arrive, une convention régit leur fléchage. Cela va-t-il suffire ? Rien ne remplace la croissance. C'est pour ça qu'on a pris des mesures structurelles depuis maintenant un an et demi pour faire en sorte qu'il y ait une croissance plus réactive en France, plus dynamique. Lorsqu'on met 3 milliards sur le crédit pour la recherche, c'est pour doper l'innovation.
D'un côté, l'aide aux entreprise, de l'autre, François Fillon l'a quasiment annoncé, il y a deux jours, sur TF1 : le retour des emplois aidés. Cela ne gêne-t-il pas le libéral que vous êtes de voir qu'on retourne aux vieilles recettes pour endiguer la montée du chômage ?
Être libéral ne veut pas dire que l'État s'interdise de tout faire. J'ai dit et le répète que le libéralisme est aussi la coexistence, et c'est même indispensable avec un État de droit, c'est-à-dire des règles et des valeurs, une éthique, un comportement qui justifient le libéralisme et cette capacité à donner toutes ces potentialités. Un marché qui a un cadre. Ça ne me gêne pas que l'État fixe le cadre et qu'il sanctionne lorsque les comportements ne sont pas en cohérence avec cette éthique ou les règles qu'il a fixées. Maintenant les contrats aidés, eh bien c'est un amortisseur. Ça n'est pas avec les contrats aidés que nous allons résoudre une crise liée à un ralentissement brutal de l'économie. En revanche, c'est un amortisseur. Il est clair que lorsque nous faisons des efforts pour trouver, susciter des emplois en les assortissant d'un certain nombre de clauses qui permettent à ces emplois de voir le jour, ça sert d'amortisseur. Rien ne vaut la croissance économique, bien sûr.
L'État ne fait pas que fixer le cadre, il intervient concrètement, il est prêt à rentrer dans le capital des banques, s'il le faut. Dans cette crise finalement, n'est-ce pas le libéralisme en tant que tel qui est sanctionné, quoi que vous en disiez ce matin dans les colonnes du Figaro ?
J'ai dit tout cela dans les colonnes du Figaro, mais je vais redire une chose. L'État fixe les règles, l'État sanctionne lorsque ces règles sont transgressées. L'État sanctionne les comportements non conformes à une certaine éthique du capitalisme, mais il faut mieux, lorsqu'il y a un incendie l'État doit l'éteindre. C'est la justification. La prise de capital, en revanche, ne doit être que temporaire.
En sortir le plus vite possible ?
Sortir le plus vite possible parce que ça n'est pas le rôle de l'État que de gérer, c'est le rôle de l'État que d'assumer lorsqu'il y a un risque du système et de son effondrement, de jouer ce rôle de régulateur et d'acteur pour empêcher les dérives majeures ou l'effondrement. Mais, ensuite, il doit se retirer en empochant au passage une plus-value qui profite aux contribuables. Voilà un cadre temporaire. Rien ne peut s'opposer à une prise de participation qui sauve le système mais qui est accompagnée de sanctions contre les dirigeants par exemple lorsqu'ils ont failli, et surtout une capacité ensuite à se retirer.
Dernière question, il y a un dossier qui vous revient, qui était déjà explosif avant la crise, c'est celui de la réforme de La Poste. Au moment où l'État se dit prêt à rentrer dans le capital des banques, est-ce que l'idée qu'il se retire de celui de La Poste n'a pas un peu de plomb dans l'aile ?
C'est mon collègue, Luc Chatel, qui en est spécifiquement chargé, mais vous avez raison je m'en suis occupé lorsque j'ai été en charge de ce secteur, il y a quelques mois. Ce que je peux dire c'est que La Poste est une très belle entreprise. C'est aujourd'hui la deuxième entreprise européenne dans le secteur postal. Ça veut dire qu'il y a eu déjà une adaptation à ce qui est un monde déjà concurrentiel. Mais pour que La Poste maintenant puisse poursuivre son expansion à l'international, eh bien Jean-Paul Bailly a une stratégie qui consiste à faire en sorte que son capital puisse s'ouvrir pour permettre de financer des expansions à l'international. En Europe il y a aujourd'hui la poste allemande et puis La Poste française, voilà les deux acteurs majeurs. Je ne souhaite pas que la poste allemande vienne en France suppléer ou remplacer pire La Poste française parce que nous aurions refusé de donner à La Poste les moyens de son expansion.
Mais tout cela a été argumenté avant la crise. Aujourd'hui dans ce contexte, est-il politiquement, symboliquement et socialement possible d'aller jusqu'au bout de la réforme ?
La réforme et la crise ne sont pas antinomiques, c'est même l'inverse. L'exemple qui est donné par le gouvernement c'est de vouloir pousser des réformes qui doivent être faites et qui ne peuvent pas être différées du fait de la crise. Je vous rappelle une chose en ce qui concerne la stratégie de La Poste, le président Bailly le propose : aujourd'hui il y a une commission du débat public qui a été installée par Luc Chatel et Christine Lagarde, le président de la République l'a souhaitée, elle va rendre son avis. Ensuite, le gouvernement arbitrera.
On ira au bout ?
On ira au bout du chemin qui consiste à donner à La Poste les moyens de son expansion à l'international pour rivaliser avec succès la poste allemande.
Hervé Novelli, merci
Source: http://www.lefigaro.fr/le-talk/2008/10/16/01021-20081016ARTFIG00598-le-talk-herve-novelli-.php/