- Par Imededdine Boulaâba
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La monnaie nationale face aux défis de la mondialisation...
Devant l’extraordinaire croissance de la productivité dans les différents pôles de l’ordre capitaliste, issu de la déconfiture, voire du Waterloo idéologique du camp socialiste, les forces du marché, ultime expression du triomphe de l’individualisme, ont pris en main la destinée de la planète, pour le meilleur et pour le pire. L’intégration dans le système de l’économie-monde est devenue ainsi la priorité de toutes les nations encalminées, héritières vermoulus du modèle politico-social en vogue durant des décennies. La vedettisation du libéralisme est lancée. Haro sur l’Etat-mamma.
Un positionnement avantageux de la Tunisie dans cet enjeu planétaire, suggèrent certains analystes (Comete Engineering, Brown, Deardoff et Stern), dépend de la vélocité, de l’efficacité des mesures de facilitation et d’ouverture, conduisant le pays vers le grand large de la mondialisation. Plus on prendra du retard à se mettre à niveau, plus les coûts de l’ajustement et du dégraissage seront élevés.
Il est vrai aussi qu’en matière de manque à gagner, la diminution des ressources de l’Etat, avec l’effacement progressif des recettes douanières, va de pair avec la dépréciation de la monnaie nationale.
Finalement, comme dirait la Fontaine, qui ne se soumet à aucun risque, n’a aucune chance de gain.
Le dinar tunisien confronté à la libéralisation
Le dinar tunisien, non convertible, confronté à une libéralisation du taux de change, ne peut que se déprécier tant qu’un nouveau taux d’équilibre ne sera pas atteint, taux qui satisferait la parité du pouvoir d’achat, du taux d’intérêt et de la balance des paiements.
Le change a été libéralisé le 6 janvier 1993 et un assouplissement significatif est survenu à partir de 1994 (loi n°94-41 du 8 mars 1994) avec la décision de convertibilité courante du dinar, permettant désormais tout transfert au titre d’opérations courantes pour les non-résidents et un transfert limité (mais bien élargi par rapport aux périodes antérieures) pour les résidents. La Tunisie poursuit, à cet égard, une politique de taux de change flexible, en fonction des cours sur le marché international, du taux d’inflation national et de l’indice des prix.
Quoique les transferts du secteur privé à hauteur de 5 millions de DT en 1995 dépassent actuellement les 10 millions, il ne s’agit pas encore d’un véritable marché financier émergent, mais la transition est en cours avec le passage d’un régime de change administré par rapport à un panier limité à quelques devises avec un contrôle strict, à un régime d’avantage flexible (crawling peg) par le choix d’un panier élargi à plusieurs devises sans intervention de la Banque centrale et avec une absence totale de contrôle pour les non-résidents et un contrôle très limité pour les résidents.
Pour une déréglementation prudente
Au fait, la restructuration du système financier et bancaire tunisien est la condition sine qua non de la poursuite de l’engagement du processus d’ouverture, de l’émergence d’un marché commercial de masse, du développement des entreprises innovantes et de la promotion d’une classe créative de financiers, d’inventeurs et de capitaines d’industrie, au service du progrès et de la cause de l’homme.
Cela dit, la déréglementation, affirme un spécialiste, doit s’effectuer progressivement en raison du maillage du secteur bancaire avec le monde entrepreneurial et du balbutiement du marché financier tunisien. Le culte du secret chez les opérateurs économiques, la personnalisation de leurs relations avec les banquiers et la situation actuelle des titres attractifs font de la Bourse de Tunis, contrairement à celle d’Egypte ou de Casablanca, une structure encore marginale, dont le volume des transactions quotidiennes, nous dit Khaled Zribi, directeur général de CGF (stockbroker), est de l’ordre de 3 à 4 millions de DT environ.
Ce n’est qu’à partir de 1998 que les investissements étrangers de portefeuille ont commencé à affluer sur le marché financier en Tunisie. L’évolution en ce domaine demeure encore lente. Les conclusions hâtives sont à éviter. Ce qui est clair par contre, c’est l’enclenchement d’un processus. Le marché financier émergent tunisien, balbutiant certes, s’organise et fait face.
S’engagera-t-on, comme certains le réclament actuellement dans le pays -à l’instar de l’Equateur qui semble avoir gagné le pari de la dollarisation-, vers un arrimage du dinar à l’euro, ce qui pourrait constituer, au sud de la Méditerranée, affirme un analyste financier, une zone de stabilité basée sur l’euro avec des effets positifs à la fois sur les échanges, les IDE et l’investissement de portefeuille ?
Quoi qu’il en soit, la question du positionnement financier de la Tunisie à l’échelle régionale ou internationale et le bon fonctionnement de son espace sont au cœur de ses velléités d’intégration dans l’économie-monde.