Après 40 ans d'immobilisme et de désagrégation de notre société française, le nombre de réformes à mettre en œuvre est immense et c'est à juste titre que le gouvernement attaque sur tous les fronts, nul ne sachant quels seront les points à céder le plus facilement. Comme un bateau pris par les glaces ne sait où la banquise finira par lâcher sous ses efforts de déhalage.
Mais beaucoup des réformes entreprises depuis 2007 sont menacées d'enterrement car le gouvernement n'a pas toujours eu l'obstination de les mener à terme ou tout simplement d'en lancer l'exécution.
Dans le premier groupe, il faut placer en tête la réforme clé dont dépend la sortie du chômage : la création de « gazelles ». Philippe Hayat, dans un article des Echos du 4 mars, rappelle que la phase critique de démarrage des gazelles, les entreprises à forte croissance seules capables à terme de créer massivement des emplois, est celle du financement de son démarrage, que cette phase n'est pas assurée par les sociétés de capital-risque et ne peut d'ailleurs l'être par elles dont ce n'est pas le rôle. C'est ce qu'on a appelé le « trou de financement » L'intervention de l'Etat par Oséo Innovation, ex-Anvar, est une double erreur car les sommes mises en œuvre sont misérables, quelques centaines de millions là où il faudrait des milliards et elle conduit à un seul guichet de financement là où il en faudrait des dizaines et de la concurrence sous peine de manquer les projets les plus risqués mais les plus porteurs d'avenir.
La seule solution, qui a fait ses preuves à l'étranger, est dans le développement massif de Business Angels indépendants, ceux qui investissent au moins 100.000 euros par projet et par an. Mobiliser l'ISF à cette fin –faute d'avoir le courage de supprimer cet impôt désastreux– était la bonne direction mais à condition de ne pas plafonner la déduction par des plafonds ridicules et de la diriger non pas vers les PME, qui ont déjà pour les plus grosses réussi à sortir du « trou de financement » mais vers les gazelles qu'il faut aider, celles qui n'intéressent pas encore le capital-risque en raison de la faiblesse de leurs capitaux et qui se trouvent pour la plupart parmi les Petites Entreprises (moins de 50 salariés) et non les PME cinq fois plus grosses.
Autre domaine où les intentions étaient bonnes mais où l'intendance ne suit pas au point qu'on pourrait se demander si le gouvernement ne croit pas nécessaire de lancer constamment de nouvelles réformes pour faire du « buzz » médiatique mais sans se préoccuper réellement de les mener à leur terme : la réforme des syndicats.
Le Parlement a voté le 20 août 2008 une loi qui oblige les syndicats comme les associations à tenir une comptabilité de leurs recettes et dépenses. A notre connaissance, une partie des questions soulevées par l'instauration d'une telle comptabilité a été traitée par le Conseil National de la Comptabilité mais le décret d'application devait être publié fin 2008 pour mise en application en 2009. Et un point essentiel comme le lieu de publication (internet ? ) ne paraît pas avoir été encore décidé.
De même pour les associations subventionnées dont on sait qu'elles fonctionnent pour près de 90% sur fonds publics (contre 30% en moyenne à l'étranger), dont l'obligation de publication des comptes auprès des préfectures a été supprimée sans que rien ne la remplace ; ce sont 30 milliards de dépenses publiques par an sans pratiquement aucun contrôle.
Enfin, le gouvernement nous avait promis une campagne de réduction de la dépense publique. Le gouvernement s'accroche il est vrai au principe d'un non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Mais cette position de principe sera de plus en plus difficile à tenir sans démonstrations concrètes de sa validité. Le gouvernement ne serait-il pas en train de lâcher sur ses points offensifs comme la RGPP dont le Président de la Cour des comptes à pu dire qu'il aurait du mal à produire 6 milliards d'économies pour un budget qui, sécurité sociale comprise, dépasse les 600 milliards ? Et sur cette bataille essentielle, le gouvernement semble avoir lâché l'idée de renforcer vraiment le rôle de celui qui devrait être l'un de ses principaux alliés, l'Assemblée nationale, dont c'est l'un des rôles constitutionnels.
Saluons cependant les initiatives du Sénat qui, sous l'inspiration de sa commission des finances avec Philippe Marini et Jean Arthuis est en train de multiplier les auditions de contrôle de la dépense publique et met en place des mécanismes qui ont prouvé leur efficacité dans les pays anglo-saxons et nordiques.
De multiples chantiers ont été ouverts ; c'est sur eux que repose notre avenir. Il faut rapidement les mener à leur terme.
Bernard Zimmer