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Il faut organiser la banqueroute du système financier actuel

Jacques Cheminade : "Il faut organiser la banqueroute du système financier actuel"

De plus en plus de responsables politiques réclament la tenue d'un nouveau Bretton Woods. Jacques Cheminade n'a pas attendu la crise financière pour appeler à une refondation complète du système financier international. Dès le milieu des années 90, cet énarque dissident, candidat en 1995 à l'élection présidentielle, pointait du doigt le risque de désintégration du système actuel. Le président de Solidarité et Progrès nous livre son analyse de la situation et les remèdes qu'il juge indispensables pour éviter un effondrement de l'économie mondiale.


Capital.fr : Pourquoi le système est-il aussi gravement malade ?

Jacques Cheminade : Nous subissons aujourd'hui les effets de la dérégulation financière mondiale entamée en 1971 avec la fin de la convertibilité du dollar en or. Cette décision a sonné la fin de l'ordre monétaire international mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale lors de la conférence de Breton Woods. Et cela a ouvert la voie à une spéculation financière de plus en plus folle. Dans les faits, l'émission de monnaie a été abandonnée aux banques et aux compagnies d'assurance qui ont créé des liquidités à tout va. Cela a abouti à la création de capital fictif, c'est-à-dire ne correspondant à rien dans l'économie réelle. La politique de taux d'intérêt très bas des banques centrales, l'utilisation massive de produits dérivés, la titrisation des crédits, l'usage excessif de l'effet de levier et l'absence de réglementation des marchés financiers ont contribué à des prises de risques inconsidérées et à l’apparition d'une bulle financière sans précédent à l’échelle du monde qui a éclaté et n'a pas fini de se dégonfler.

Capital.fr : Les centaines de milliards injectés ne suffiront donc pas à résoudre la crise…

Jacques Cheminade : Les efforts déployés par les gouvernements occidentaux pour sauver le système actuel seront aussi inutiles que de réordonner les chaises sur le pont du Titanic. Les pouvoirs publics ne font qu'ajouter de l'argent à l'argent. Les sommes versées au frais du contribuable vont peut-être soulager la sphère financière à court terme mais ne résoudront pas le fond du problème. D'une part la confiance entre les acteurs du système a disparu et ensuite beaucoup d'emprunteurs ne pourront jamais rembourser leurs dettes. S'il l'on ne change pas profondément les règles du jeu, le monde ne pourra éviter une récession d'une ampleur historique.

Capital.fr : Quelles répercussions craignez-vous ?

Jacques Cheminade : Après une phase de déflation due à l'effondrement de l'économie réelle, le véritable danger est l'hyperinflation, les acteurs économiques perdant foi en la valeur de l'argent. Les Etats seront obligés de recourir à une politique d'austérité sociale à cause de la chute de leurs recettes. Face à des populations prises à la gorge, les autorités pourraient restreindre certaines libertés pour sauvegarder l'ordre public. Le risque de déstabilisation du régime chinois sera particulièrement élevé lorsque les exportations de ce pays ne trouveront plus de consommateurs solvables en Occident.

Capital.fr : Quelles solutions proposez-vous pour éviter un tel scénario catastrophe ?


Jacques Cheminade :
Le monde a besoin d'un nouvel ordre financier et monétaire qui soit établi d'un commun accord entre toutes les grandes puissances, donc sans exclure ni la Russie, ni la Chine ni l'Inde. Tout d'abord, il faut organiser la banqueroute du système actuel en faisant le tri entre les bonnes créances, celles liées à l'économie réelle, et les mauvaises créances, liées aux actifs toxiques. Ces dernières seront liquidées, seules les premières devront être remboursées. Ensuite, il est indispensable d'empêcher la spéculation sur les devises en mettant en place des taux de change fixe. Les gouvernements souverains, qui sont les seuls garants des intérêts des peuples, doivent reprendre le contrôle de leurs monnaies et donc des banques centrales. Enfin, il faudra émettre du crédit productif public. Des emprunts à très long terme et à faible taux d'intérêts pourront ainsi être débloqués pour financer de grands projets d'infrastructures et investir dans la recherche fondamentale. Bref, il ne s’agit, ni d’une solution technique ou technocratique, ni d’un arrangement entre diplomates. La nouvelle règle du jeu ne peut qu’être la conséquence d’une volonté politique, redonnant priorité au travail humain et à la justice sociale, ce qui implique un combat à mener contre l’oligarchie financière implantée à Londres et à Wall Street.

Propos recueillis par Guillaume Dubois et Adrien Desoutter

Source : http://www.capital.fr/actualite/default.asp?source=FI&numero=71347

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