Rome, le 12 novembre 2007 - (E.S.M.) - Il y a six ans encore, la condamnation du Saint-Office pesait sur ce grand penseur libéral. Il a été absous. Aujourd'hui, il est sur le point d'être béatifié. Le philosophe Dario Antiseri brosse le portrait de ce maître d'un libéralisme ouvert à la religion.
L'abbé Antonio Rosmini sera béatifié le dimanche 18 novembre à Novare (nord de l'Italie), dans le diocèse où il a passé la dernière partie de sa vie.
L'abbé Rosmini a aussi été un grand théoricien de la politique. C’était un esprit libéral de pure souche, à une époque – le milieu du XIXe siècle – où pour l’Église, libéralisme rimait avec satanisme. Dans son livre "Philosophie de la politique", le philosophe fait part de son admiration pour "La démocratie en Amérique", le chef-d’œuvre de son contemporain Alexis de Tocqueville, le père du libéralisme ami de l’esprit religieux.
L'abbé Rosmini a prévu plus d'un siècle à l'avance les thèses soutenues par le Concile Vatican II à propos de la liberté religieuse. Il était opposé au catholicisme comme "religion d’état". Il a été un défenseur infatigable des libertés des citoyens et des "corps intermédiaires" contre les abus d’un état tout-puissant.
Rien de surprenant, dès lors, à ce que la pensée de l'abbé Rosmini soit aujourd'hui surtout diffusée chez les catholiques par les défenseurs du libéralisme ouvert à la religion, dont les maîtres en Europe appartiennent à l'"école de Vienne" de Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek.
Le portrait de l'abbé Rosmini publié ci-dessous est justement écrit par un représentant de marque de ces catholiques libéraux, Dario Antiseri, professeur à l’Université Libre internationale des sciences sociales "Guido Carli" (LUISS) de Rome et auteur d’une très appréciée "Histoire de la Philosophie", traduite en plusieurs langues. Sa note est parue le 1er novembre dans "Avvenire", le quotidien de la conférence des évêques d'Italie.
Le professeur Antiseri concentre son propos sur un seul aspect de la figure de l'abbé Rosmini, celui de théoricien de la politique. Mais c'est peut-être l'aspect qui reflète le mieux son originalité. Les thèses de l'abbé Rosmini sont encore mal vues par une grande partie des catholiques, évêques et prêtres compris.
Lorsque l'abbé Rosmini aura été béatifié, sa pensée devra encore parcourir un long chemin avant de devenir un langage accepté dans l'Église catholique.
Rosmini, l’antitotalitaire
par Dario Antiseri
En matière de politique, la préoccupation première et essentielle de l'abbé Antonio Rosmini a été de déterminer les conditions permettant de garantir la dignité et la liberté de l’homme. Selon lui, c’est dans cette optique que la question de la propriété devient cruciale.
Opposé à l’économisme socialiste, l'abbé Rosmini a clairement établi le lien qui unit la propriété à la liberté de la personne.
"La propriété – écrit-il dans 'Philosophie du droit' – exprime vraiment cette union étroite entre un objet et une personne. […] La propriété est le principe d’où dérivent les droits et les devoirs juridiques. La propriété constitue une sphère autour de la personne, dont celle-ci est le centre: personne d’autre ne peut entrer dans cette sphère".
Le respect de la propriété d’autrui est le respect de la personne d’autrui. La propriété privée est un instrument de défense de la personne contre l’envahissement par l’état.
La personne et l’état : la première est faillible, le second n’est jamais parfait.
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La déesse Raison symbolise un homme qui prétend se substituer à Dieu et pouvoir créer une société parfaite. Le jugement du philosophe sur la présomption fatale des Lumières rappelle des considérations semblables, celles d'Edmund Burke avant lui, celles de Friedrich August von Hayek après.
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On lit encore dans "Philosophie du droit":
"Les individus qui forment un peuple ne peuvent pas se comprendre s'ils ne se parlent pas beaucoup; s'ils ne s'affrontent pas avec vigueur; si les erreurs ne sortent pas des esprits et si, s'étant pleinement manifestées, elles ne sont pas combattues sous toutes leurs formes".
Anti-étatiste et donc défenseur des "corps intermédiaires", protecteur des droits de liberté, l'abbé Rosmini a été très attentif aux souffrances et aux problèmes des nécessiteux, des plus défavorisés.
Mais la juste solidarité chrétienne ne lui fait pas ignorer les dommages d'un système d'assistance d'état.
"La bienfaisance gouvernementale – affirme-t-il – a une lourde charge à porter face aux plus graves difficultés. Elle peut s’avérer non pas avantageuse, mais très dommageable non seulement pour la nation, mais précisément pour la classe pauvre à qui elle prétend faire du bien. En ce cas, au lieu de bienfaisance, c’est de la cruauté. Bien souvent c’est de la cruauté justement parce qu’elle assèche les sources de la bienfaisance privée, en décourageant les citoyens d'aider les pauvres, parce que l’on croit qu’ils sont déjà secourus par le gouvernement, alors qu’ils ne le sont pas, qu’ils ne peuvent pas l’être, sinon dans une faible mesure".
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