On a coutume d’entendre que « les riches deviennent plus riches pendant que les pauvres s’appauvrissent ». C’est cette affirmation (jamais démontrée) sur laquelle s’appuyait déjà Karl Marx pour prophétiser un effondrement du capitalisme. Si cette affirmation avait été vraie, aucune croissance économique ne serait soutenable et l’économie de marché n’aurait pas survécu au XX° siècle. Pourtant, c'est le communisme et toutes les expériences collectivistes, fondées sur la terreur et la persécution, qui n'auront pas passé ce siècle. Mais admettons cette proposition dans la mesure où il existe sans doute quelque chose de cumulatif dans les processus humains qui ont une dimension évolutionniste [1].
Georges Brassens se plaisait à dire qu’un jeune con deviendra un vieux con. Il est vrai que si vous donnez la télévision ou Internet à un imbécile, il va s’abrutir pendant des heures devant l’écran, tendant à devenir un super-imbécile. A l’inverse, si vous confiez le même outil à une personne intelligente, elle va démultiplier les occasions d’apprendre, de découvrir, de se passionner, devant encore plus intelligente. Et l'on ne peut préveler de l'intelligence au second pour en distribuer au premier, histoire d'égaliser les situations.
Revenons alors à notre propos initial. Lorsque la redistribution des revenus aboutit à une pression de plus en plus forte sur ceux qui génèrent du revenu, dans le but de financer des aides ou autres droits sociaux pour les autres, que se passe-t-il à la longue ? Ceux qui doivent payer des prélèvements accrus et qui ne peuvent y échapper feront tout pour être plus efficace, pour optimiser l’usage de leur temps, trouvant finalement des gisements de productivité (en s’organisant mieux), développant encore plus leur talent initial ou leurs points forts et déléguant le reste. Bref, ils vont devenir encore plus performants, regagnant finalement d’un côté ce qu’on leur avait pris de l’autre côté.
A l’inverse, ceux qui sont assurés de recevoir une aide s’installe dans la dépendance, n’étant plus habitués à travailler, ne supportant plus parfois l’idée de travailler puisqu’ils n’auront développer aucune disposition particulière sur la base de laquelle ils pourraient construire une qualification. J’ai connu un chômeur qui se vantait d’aller au cinéma 50 fois par an, ce que je ne peux plus faire (faute de temps libre).
Ainsi, par certains côtés, les riches deviennent plus riches tandis que les pauvres sont plus pauvres. Mais ce n’est certainement pas le fait d’une loi inéluctable liée au fonctionnement du marché. C’est bien plus le résultat pernicieux – les fameux « effets pervers » de nos chers experts – d’une redistribution aveugle et qui s’inscrit dans la loi plutôt que le contrat. La redistribution fige les situations initiales en les accentuant, contrariant la mobilité inhérente et indispensable à toute société dynamique et ouverte.
* Je me permets, en guise de clin d’œil, d’emprunter son titre au film de Al Gore qui lui a valu un Oscar et le prix Nobel de la paix, mais pour tenter d’exposer une vérité vraiment dérangeante plutôt qu’un mensonge bien commode qui reprend tous les clichés lamentables de la pensée paillette.
Jean-Louis Caccomo,
Perpignan, le 5 novembre 2007
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[1] Hodgson G.M. Economics and Evolution, Bringing life back into economics, Polity Press, Cambridge 1993.