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Horizons / «Nos dirigeants ne comprennent toujours pas ce qui se passe»

A l'entame de 2009, nombreux sont ceux qui se posent les trois mêmes questions: où en est-on vraiment avec la crise? que fait l'Union européenne pour y remédier? nos dirigeants savent-ils au moins ce qu'ils font? David Broman

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A l'entame de 2009, nombreux sont ceux qui se posent les trois mêmes questions: où en est-on vraiment avec la crise? que fait l'Union européenne pour y remédier? nos dirigeants savent-ils au moins ce qu'ils font?

David Broman

Pour y répondre, quoi de plus normal que de s'adresser au Laboratoire européen d'anticipation politique (LEAP, www.europe2020.org), qui ne cesse d'annoncer cette crise, au moins depuis 2006.
Franck Biancheri est directeur de recherche au LEAP*. Il fait avant tout remarquer que la crise entre actuellement dans sa quatrième et dernière phase. «Il s'agit de la phase de "décantation", c'est-à-dire des conséquences d'une crise structurelle grave. Ce sera la phase la plus longue et la plus dure pour tout le monde. L'économie réelle est violemment frappée, ce qui va impacter dorénavant sur l'ensemble des populations.»
Tout ça à cause d'une crise du crédit? «La crise du crédit n'était que la goutte d'eau qui a tout fait déborder. En réalité ce qu'on voit aujourd'hui c'est la dernière étape d'une crise qui dure depuis trente ans. Ce que l'on voit aujourd'hui dépasse la simple récession économique; il s'agit de la fin d'un système, dont le dernier pilier, l'économie américaine, s'est effondré. Une époque est en train de prendre fin devant nos yeux.»
Ce qui se passe aujourd'hui ira en s'accentuant dramatiquement en 2009. «L'année 2009 sera donc extrêmement difficile pour tous et de tous points de vue, les indicateurs convergent tous dans le même sens. Le chômage va exploser, de l'ordre de 15% à 20% en Europe, de plus de 30% aux Etats-Unis. Nous allons voir dans les semaines qui viennent une multiplication de faillites et de fermetures d'entreprises.»
Toutes les régions n'en souffriront pas de la même façon. Et de comparer la situation à un tsunami: «Même si la vague frappe uniformément tout le monde, ceux qui vivent dans des immeubles en béton à plusieurs étages vont accuser le coup plus facilement que ceux qui logent dans des cahutes en bois.» Ce qui donne, transposé dans la réalité du jour: «La zone euro, grâce à sa monnaie, à l'intensité des échanges en son sein et à ses systèmes de protection sociale, est la région du monde la mieux préparée pour aborder cette transition. Par contre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne vivent dans de petites cahutes en bois à même le sol et risquent d'être balayés par la déferlante.»
Quid de la réaction des gouvernements? «On a certes assisté à des réactions plus ou moins valables selon les pays. Les pires mesures ont été prises aux Etats-Unis alors que ce pays est l'épicentre du phénomène.»
Selon Frank Biancheri, «nos dirigeants n'ont absolument rien compris à ce qui s'est passé et ne le comprennent toujours pas. Comme nous sommes entrés dans une longue récession, nos dirigeants devraient être occupés à mettre en œuvre des moyens de longue haleine pour amortir les chocs – alors qu'ils en sont encore à espérer pouvoir éviter une longue récession. Tôt ou tard – d'ici mi-mars sans doute – au fur et à mesure que la réalité prend les choses en main, ils vont devoir se rendre compte de cette réalité.»

Crise majeure

Faut les comprendre. «Ils ont peur. Tant pour eux que pour les élites économiques, comme les banquiers, dont ils s'entourent, c'est la fin d'un monde, de leur monde. Ils ont tous été formés autour du pilier américain. Ils ne voient pas que ce pilier s'est désintégré et ils seront sans doute les derniers à ne pas le voir. Pour eux, un autre monde reste encore inimaginable. Un grand nombre de nos élites sont déjà obsolètes.»
En l'état actuel des choses, la priorité des priorités pour 2009 est le règlement «organisé» du «problème du dollar». «Il faudrait que la communauté internationale mette au point au plus vite une nouvelle monnaie mondiale de référence constituée, un peu comme l'euro, d'un panier de monnaies d'une dizaine de pays clés, en y incluant un mécanisme de réajustement tous les dix ans pour tenir compte de l'évolution des réalités économiques mondiales. Si le G20 du mois d'avril ne traite pas ce problème collectivement, l'effondrement du dollar, prévu dans ce cas pour juillet 2009, entraînera une crise majeure – vraiment majeure – qui provoquera, dès la fin de l'année, un mouvement de retour aux logiques de blocs, de conflits économiques et monétaires, de dévaluations compétitives. Ce serait une sorte de retour, au niveau planétaire, à l'équivalent de "l'Europe de 1914", avec le risque de générer dans cinq ou dix ans des logiques de confrontations militaires. Le dollar, c'est l'élément clé de cette année. Tout le reste, comme la réintroduction de règles dans le système bancaire, est secondaire.»
Dans le même temps, les Etats seraient donc bien inspirés de se préparer pour une longue récession. «Il faudrait dès maintenant commencer à muscler les systèmes de protection sociale. En 2009, ce ne seront pas les chocs qui vont manquer pour pousser la société à s'éloigner des thèses néo-libérales et pour générer un regain de solidarité sociale. Ce sera un des aspects positifs de cette crise.»
A ce niveau, malgré les multiples démantèlements, la zone euro reste une des plus fortes régions.
«Elle dispose des structures de sécurité sociale, du développement industriel, du niveau d'épargne qui lui permettront de traverser cette crise moins douloureusement que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Cette dernière, d'ailleurs, voyant mourir la livre sterling, va devoir choisir entre se conformer à des critères stricts pour entrer dans la zone euro ou se satisfaire d'une monnaie du tiers monde.»

Franck Biancheri est aussi président des Newropeans, le premier parti politique trans-européen pour les élections européennes de juin 2009 www.newropeans.eu.

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