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Crise financière : vers un nouveau consensus à Washington ?

 

  • Ça promet ! Samedi 15 novembre à Washington, choc des conceptions. L’UE et les pays émergents plaideront haut et fort pour un capitalisme régulé et par-dessus tout «under control». L’Amérique, fait savoir mezza voce, son attachement au capitalisme «démocratique» c’est-à-dire du libéralisme sinon rien. Est-ce qu’on s’achemine vers un duel ou un consensus ?

    Gavé de libéralisme, grisé par la globalisation, le marché verse dans l’excès de franchissement d’espèce : il détruit de la valeur. Depuis le mois d’août 2007, la crise financière a coûté 34.000 milliards de dollars dont 26.000 ont été consumés de la dépréciation de la capitalisation boursière. L’équivalent de deux fois le PIB américain pour l’année 2007 s’est volatilisé, faute d’une réglementation internationale capable de contrôler le marché. Les pays contaminés se voyant indûment spoliés appellent à réformer le système. La revendication d’ un nouvel ordre mondial n’est plus ce «caprice» de pays en développement, «mendiants et orgueilleux», mais vient de l’intérieur du groupe des pays nantis. Un impératif, selon les Européens sous menace d’un vaste sinistre et qui craignent pour leur ensemble régional durement acquis. Une grande menace pour l’économie mondiale dans son ensemble, aussi. C’est ce qui explique leur empressement pour un changement radical et immédiat, option soutenue par le FMI. Et en face une bienveillante nonchalance américaine qui laisse venir et qui regarde le scénario de crise comme une contingence dans la vie du système. La circonstance est-elle aux égoïsmes nationaux ? Situation inédite. Le bloc occidental est fissuré.

 

  • Le G20, à l’unisson ?

    A risque systémique, solidarité de bloc. L’UE à 27 et les pays émergents membres du G20, voudraient que les USA se liguent avec eux pour retourner les effets de la crise.

    A quelques 180 pays en développement près, ce dessus du panier réalise 85% du PIB mondial et réunit les 2/3 de la population du globe ! Il va sans dire qu’il dispose d’une force de frappe conséquente.

    Si donc il se dégage une unanimité pour une relance sinon commune pour le moins concertée, il y a des chances pour reconfigurer le système et sauver les meubles. Or l’Amérique jusque-là a observé un silence radio quant à l’ordre du jour qui est issu des résolutions européennes et a été tout aussi muette sur ses intentions de réaménager le système en profondeur. L’idéologie libérale considère les soubresauts de crise comme des éléments de régulation du système et non comme des accidents qu’il faut réparer. Il y a un décalage profond entre les deux camps. Peut-on envisager d’embarquer l’Amérique dans un programme qu’elle n’a pas validé. Wait and see.

    Divergence d’intérêts

    L’UE à 27, lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du vendredi 7 novembre, à Bruxelles, a donné une caution politique à ses choix. Elle a été ralliée par les pays émergents réunis le lendemain, samedi 8 à Sao Paulo du Brésil. Ensemble, ils iront à Washington, forts de l’appui de leurs peuples. Ils préconisent une gouvernance mondiale. En peu de mots, ils se proposent de coiffer le marché financier par une réglementations supranationale qui a fait défaut et dont ils pensent qu’elle a permis la propagation des effets dévastateurs de la crise. Ils veulent redonner la main au FMI et lui reconnaître le droit de regard à l’instar de ce qu’il fait avec les pays en développement. Ils considèrent que c’est la juste parade et se proposent de gagner l’Amérique à leur cause et mettre la réforme en chantier illico presto.

    Absorbée par les présidentielles et dans l’effervescence de l’issue «historique» du scrutin l’Amérique n’avait pas la tête à ça. Et puis elle n’a pas cherché à coordonner avec ses partenaires, auparavant. Elle a privilégié une solution nationale dans le traitement de la crise. Le réflexe d’isolationnisme est toujours vivace en cas de difficultés, Outre Atlantique, c’est bien connu.

    Les différences d’analyse

    Les 27 et les pays émergents, pris au dépourvu par une crise qu’ils voyaient venir, n’ont pas pris la mesure de son ampleur. L’énergie de Nicolas Sarkozy et le génie financier de Gordon Brown aidant, les 27 ont été prompts à sortir, dans l’urgence, un plan de sauvetage du secteur bancaire. Dans leur démarche, ils n’ont pas hésité à réhabiliter l’Etat comme agent économique majeur. Ils n’ont pas hésité à nationaliser et revenir à l’Etat interventionniste. Ayant réussi, momentanément, à bloquer la progression de la crise financière, ils sont pressés d’engager la relance avec les bonnes vieilles recettes budgétaires comme au temps de la splendeur de l’Etat prépondérant. Ils sont suivis en cela par le gros des troupes des pays émergents.

    Pourquoi cela ? En réalité, dans leur riposte à la crise financière, les Etats ont empêché la défaillance d’institutions financières et bancaires, privées. Ce faisant, ils ont augmenté le risque de défaut des Etats. C’est le concours du FMI qui a empêché la banqueroute de l’Islande et a secouru l’Ukraine et la Hongrie, entre autres. La menace devient réelle. Et au sein du G20, l’inquiétude est à son extrême. L’occasion est propice à une action concertée à l’échelle planétaire. Les USA, moins alarmistes car moins affectés par la crise, voient ça d’un oeil distrait et ne cèdent pas au catastrophisme. Ils ont après tout réussi à évacuer une partie des pertes sur le reste du monde. Moins affectés ils sont moins enclins à réagir. Et puis leur système plus développé et donc plus résistant ne court pas, à l’opposé de leurs partenaires, vers un scénario d’effondrement certain, du moins le croient-ils. Le secteur bancaire américain est sorti plus concentré et les épaves bancaires ont toutes été rachetées par des enseignes américaines restées en dehors de la crise. No problem !

    Le calumet de la paix ou la hache de guerre?

    L’UE à 27 et les pays émergents voudraient et tout de suite, garrotter les deux plaies du marché pour se protéger des sinistres financiers à venir. Ils opposent la rationalité au credo libéral et proposent de ranger les paradis fiscaux sous le régime légal commun ainsi que les «hedge-funds» pour discipliner leur activité spéculative. Et enfin, ils voudraient que les déficits soient sous la supervision du FMI auquel il faut d’ailleurs redonner plus de moyens. C’est là leur conception du système, régulé et moral, enfin à visage humain. Le capitalisme sans libéralisme. Cet objectif est-il en harmonie avec les usages dans le monde anglo-saxon inspirés du Reaganisme et du Tatchérisme ? Non, à l’évidence. Remettre en selle l’Etat pour sauver l’économie est une option dépassée et bel et bien enterrée pour eux. Ils ne voudront pas revenir en arrière. La crise n’est pas un mal c’est un épisode de destruction créatrice. C’est un épisode de reconstruction du système. Il ne faut pas s’y opposer ni même le contrarier. Cela heurte les convictions européennes qui considèrent que les pouvoirs publics, seuls, ont les moyens de sauver l’immobilier et l’industrie automobile. Dans le même moment, l’Amérique affiche une certaine indifférence aux difficultés de son secteur automobile. GM, emblème d’entre tous de la puissance américaine, ne semble pas des faveurs des pouvoirs publics. L’espace d’un instant, imaginons que par purisme libéral, l’Amérique abandonne l’industrie automobile à son sort et laisse couler General Motors, laquelle manifeste déjà des signes d’essoufflement. La dépression submergerait la planète entière. Lundi 10 novembre, Opel, filiale allemande de GM, était déjà en difficultés avancées. Elle demandait des fonds publics et même une détaxation des nouvelles immatriculations. Elle entend puiser dans le budget et priver l’Etat de recettes fiscales sur les ventes, comme prix de la relance du secteur. C’est un effort grandiose, Cela fragilise les Etats lesquels légitimement cherchent à se prémunir même au prix d’un renoncement doctrinaire. Le retour du bon vieux capitalisme avec un Etat interventionniste mais pas dirigiste ou la soupe populaire, il faut choisir car ce sont là les termes de l’alternative qui opposent les deux camps.

    Un nouvel ordre global, mirage ou réalité ?

    Conscients de la différence de sensibilité de leur solution les pays du G20 veulent ménager l’Amérique. Ils acceptent de traiter dans un premier temps avec son président sortant. Prévenants, ils n’entendent pas gâcher l’Etat de grâce du nouvel élu et acceptent de re-convoquer le G20 à la fin du mois de février. La sensibilité «Démocrate» du président Obama est jugée comme un atout pour valider un traitement «étatiste» de la crise. Ce n’est pas gagné d’avance de faire renoncer l’Amérique au crédit facile sachant que c’est son arme contre le creusement des inégalités de revenus au sein des classes moyennes. Comment envisager l’Amérique réagir à l’interpellation du FMI quant aux déficits jumeaux. Elle renoncerait d’un coup à deux mécanismes précieux qui lui procuraient la paix sociale et un ressort de prospérité.

    Difficile à admettre. De plus, le président Obama dans une esquisse rapide d’un plan de relance entendait engager des dépenses d’infrastructure à l’effet de soulager le marché de l’emploi et projette d’indemniser les chômeurs et autres catégories socialement défavorisées. Il n’a pas à proprement parler, évoqué un plan de sauvetage en faveur de l’industrie américaine. Le sommet de Washington laisse planer l’espoir d’un plan d’action en profondeur capable de juguler la crise et d’humaniser le système. L’opinion internationale est tenue en haleine et attend de voir émerger un nouvel ordre global. Court-elle vers une nouvelle déconvenue ? S’il refusait la douleur d’accoucher d’un nouvel ordre global le Sommet de Washington projetterait l’économie mondiale dans la douleur encore plus vive de la dépression ce qui pourrait peser lourdement, plus tard sur la paix dans le monde.

  • Source http://www.webmanagercenter.com/management/article.php?id=55835

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