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Le banquier des pauvres

medium_YUNUS_CONF_COPY.jpgC'est le principal banquier de son pays, le Bengladesh. Jamais, il n'a fait oeuvre de charité. Le mot solidarité ne fait pas partie de son vocabulaire. Il ne croit pas que l'État puisse résoudre le problème de la pauvreté qui touche la majeure partie des 120 millions de ses compatriotes. Il n'a aucune confiance dans les organisations non gouvernementales occidentales. Il croit que ce sont les pauvres qui doivent s'aider eux-mêmes pour s'en sortir. En tant que professeur d'économie, il défend devant ses élèves que le problème du sous-développement n'est pas créé par le marché, mais précisément par son absence. Il pense que les subventions et les subsides détruisent l'initiative et la dignité de ceux qui les reçoivent. Il a convaincu des centaines de guérilleros marxistes d'abandonner les kalachnikov en échange d'une participation dans Grameen Trust, la multinationale qu'il dirige et qui opère déjà dans plus de 60 pays. Des millions de Bengalis doivent de l'argent à son organisation. Ses techniques d'ingénierie financière ont été importées par les états-Unis. Il s'appelle Muhammad Yunus et il vient de recevoir le prix Nobel de la Paix.

1977. Les images d'enfants mourrant de faim au Bangladesh font la une des journaux télévisés du monde et la machinerie de la coopération et l'industrie de la solidarité se mettent en branle. Depuis cette date jusqu'à aujourd'hui, ce pays a reçu plus de 30 milliards de dollars. Bien sûr, il faut décompter le coût des rapports des experts et des consultants occidentaux, les salaires des centaines de conseillers installés dans le pays pour offrir leur aide et la valeur des biens d'équipements destinés à créer des infrastructures. Au total, 75% des 30 milliards. Par ailleurs on estime que les 25% restants ont été employés à rétribuer les experts, consultants, conseillers, fonctionnaires et politiciens locaux qui devaient décider de l'emploi de cette manne. Pas un seul dollar pour les gens !

1977. Comme chaque jour, après avoir exposé devant ses élèves l'élégante formulation mathématique de la théorie macro-économique, le professeur Yunus quitte l'université et rentre chez lui en enjambant les corps faméliques qui se traînent dans les rues. Son regard s'arrête un instant sur une femme qui, dans la pénombre d'un portail, à genoux, tresse des feuilles de bambou. Il s'intéresse à son travail. Cette femme lui raconte qu'elle fabrique des tabourets et que le bambou, la matière première, coûte cinq takas, somme qu'elle emprunte. Ce jour, le professeur Yunus découvrit qu'hors des auditoires universitaires la différence entre manger ou non, la différence entre la vie et la mort pouvait se quantifier en cinq takas, 22 cents centimes de dollars, à l'époque.

Le jour suivant, il fit une autre découverte : on peut fonder une banque sans aucune connaissance en finances. En sortant de son cours, il retrouva la femme, lui parla et lui avança l'argent pour le bambou. Il finit la journée en ayant prêté un total de 27 dollars à 40 personnes, des femmes en grande majorité, parias entre les parias. Ce jour naquit la Grameen Bank. Ensuite, Yunus se tourna vers la Fondation Ford, il exposa son projet et demanda un aval de 800.000 dollars pour le mettre en marche. On les lui concéda. Aujourd'hui, la banque prête chaque mois près de 40 millions de dollars, emploie 12.000 personnes et possède plus de mille bureaux. Mais sa manière de travailler n'a pas varié : considérer que les pauvres sont solvables. Il n'y a pas de paperasses. On ne signe pas de contrat. Personne ne fait appel aux tribunaux en cas de d'impayés. Le seul lien entre la banque et ses clients est la confiance. Et cela marche. La Grameen Bank a un taux de remboursement des crédits de 94%, un pourcentage qui la place au-dessus de toutes les banques du pays et dans la majorité de celles du reste du monde. Et on peut faire cette comparaison parce qu'il s'agit d'une entité qui agit selon une pure optique commerciale et de profit : elle touche des intérêts et tente d'achever ses exercices comptables en faisant des bénéfices. Mais surtout parce que, contrairement aux programmes d'aides traditionnels, cette banque considère que ce sont les gens eux-mêmes qui savent le mieux se qu'ils doivent faire avec l'argent emprunté et, dès lors, ne s'immisce pas dans leurs affaires.

Que dire de plus, sinon saluer ce prix Nobel qui récompense un original défenseur du libéralisme qui se situe à cent lieues de l'anti-capitalisme et le citer :

Il ne s'agit pas d'être contre, mais de proposer des solutions. Je ne suis pas contre la mondialisation. Je crois en la liberté de marché. Celui-ci n'est pas sale. Je suis persuadé qu'il peut favoriser l'émergence d'une génération d'entrepreneurs sociaux, plus intéressés par le bien-être collectif que par un jeu très personnel.

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